aient de ses
yeux l'etourdissaient; elle secouait la tete comme pour s'en delivrer.
Pendant qu'elle s'epuisait a chercher le parti qu'elle avait a prendre,
elle ne s'etait pas apercue que sa bougie allait s'eteindre. Elle se
trouva tout a coup dans les tenebres; elle se leva et ouvrit sa porte,
afin de demander de la lumiere; mais il etait tard et tout le monde etait
couche. Elle marchait neanmoins a tatons, ne croyant pas l'heure si
avancee.
Lorsqu'elle vit, en descendant, que l'escalier etait obscur, et qu'elle
etait, pour ainsi dire, seule dans la maison, un mouvement de frayeur,
naturel a son age, la saisit. Elle avait traverse un long corridor qui
menait a sa chambre; elle s'arreta, n'osant revenir sur ses pas. Il arrive
quelquefois qu'une circonstance, en apparence peu importante, change le
cours de nos idees; l'obscurite, plus que toute autre chose, produit cet
effet. L'escalier de la Honville etait, comme dans beaucoup de vieux
batiments, construit dans une petite tourelle qu'il remplissait en entier,
tournant en spirale autour d'une colonne de pierre. Margot, dans son
hesitation, s'appuya sur cette colonne, dont le froid, joint a la peur et
au chagrin, lui glaca le sang. Elle demeura quelque temps immobile; une
pensee sinistre se presenta tout a coup a elle; la faiblesse qu'elle
eprouvait lui donna l'idee de la mort, et, chose etrange, cette idee,
qui ne dura qu'un instant et s'evanouit aussitot, lui rendit ses forces.
Elle regagna sa chambre, et s'y enferma de nouveau jusqu'au jour.
Des que le soleil fut leve, elle descendit dans le parc. Cette annee-la,
l'automne etait superbe; les feuilles, deja jaunies, paraissaient comme
dorees. Rien ne tombait encore des rameaux, et le vent calme et tiede
semblait respecter les arbres de la Honville. On venait d'entrer dans
cette saison ou les oiseaux font leurs dernieres amours. La pauvre Margot
n'en etait pas si avancee; mais, a la chaleur bienfaisante du soleil,
elle sentit sa peine s'adoucir. Elle commenca a songer a son pere, a sa
famille, a sa religion; elle revint a son premier dessein, qui etait
de s'eloigner et de se resigner. Bientot meme elle ne le jugea plus si
indispensable qu'il lui avait semble la veille; elle se demanda quel mal
elle avait fait pour meriter d'etre bannie des lieux ou elle avait passe
ses plus heureux jours. Elle s'imagina qu'elle pouvait y rester, non sans
souffrir, mais en souffrant moins que si elle partait. Elle s'enfonca dans
les so
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