que occasion de le tirer a l'improviste pour que Gaston
en put envelopper un instant sa main; mais elle n'eut pas meme cette
consolation. Le cruel garcon etant a souper, et quelques gouttes de sang
coulant de sa blessure, il refusa le mouchoir de Margot et roula sa
serviette autour de son poignet. Margot en sentit un tel deplaisir, que
ses yeux se remplirent de larmes.
Elle ne pouvait penser cependant que Gaston meprisat son amour; mais il
l'ignorait: que faire a cela? Tantot Margot se resignait, et tantot elle
s'impatientait. Les evenements les plus indifferents devenaient tour a
tour pour elle des motifs de joie ou de chagrin. Un mot obligeant, un
regard de Gaston, la rendaient heureuse une journee entiere; s'il
traversait le salon sans prendre garde a elle, s'il se retirait le soir
sans lui adresser un leger salut qu'il avait coutume de lui faire, elle
passait la nuit a chercher en quoi elle avait pu lui deplaire. S'il
s'asseyait pres d'elle par hasard, et s'il lui faisait un compliment sur
sa tapisserie, elle rayonnait d'aise et de reconnaissance; s'il refusait,
a diner, de manger d'un plat qu'elle lui offrait, elle s'imaginait qu'il
ne l'aimait plus.
II y avait de certains jours ou elle se faisait, pour ainsi dire, pitie a
elle-meme; elle en venait a douter de sa beaute et a se croire laide toute
une apres-dinee. En d'autres moments, l'orgueil feminin se revoltait en
elle; quelquefois, devant son miroir, elle haussait les epaules de depit
en pensant a l'indifference de Gaston. Un mouvement de colere et de
decouragement lui faisait chiffonner sa collerette et enfoncer son bonnet
sur ses yeux; un elan de fierte reveillait sa coquetterie; elle paraissait
tout a coup, au milieu de la journee, revetue de tous ses atours, et
dans sa robe du dimanche, comme pour protester de tout son pouvoir contre
l'injustice du destin.
Margot, dans sa nouvelle condition, avait conserve les gouts de son
premier etat. Pendant que Gaston etait a la chasse, elle passait souvent
ses matinees dans le potager; elle savait manier a propos la serpe, le
rateau et l'arrosoir, et plus d'une fois elle avait donne un bon conseil
au jardinier. Le potager s'etendait devant la maison et servait en meme
temps de parterre; les fleurs, les fruits et les legumes y venaient en
compagnie. Margot affectionnait surtout un grand espalier couvert des
plus belles peches; elle en prenait un soin extreme, et c'etait elle qui,
chaque jour, y choisissait d'une ma
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