issait. Depuis qu'elle avait quitte la ferme,
Pierrot s'ennuyait de ne plus la voir. Moitie honteux et moitie pleurant,
il lui raconta ses chagrins, et elle ne put s'empecher d'en rire et d'en
avoir en meme temps pitie. Le pauvre garcon, pour exprimer ses regrets,
parlait a la fois de son amitie pour Margot, de ses sabots qui etaient
uses, de sa triste solitude dans les champs, d'un de ses dindons qui etait
mort; tout cela se melait dans sa tete. Enfin, ne pouvant plus supporter
sa tristesse, il avait pris le parti de venir a la Honville et de s'offrir
a Gaston comme domestique ou comme palefrenier. Cette determination lui
avait coute huit jours de reflexions, et, comme on vient de le voir, elle
n'avait pas eu grand succes. Aussi parlait-il de mourir plutot que de
retourner a la ferme.--Puisque monsieur ne veut pas de moi, dit-il en
terminant son recit, et puisque je ne peux pas etre aupres de lui comme
vous etes aupres de madame Doradour, je me laisserai mourir de faim. Je
n'ai pas besoin de dire que ces derniers mots furent accompagnes d'un
nouveau deluge de larmes.
Margot le consola de son mieux, et, le prenant par la main, l'emmena a
la maison. La, en attendant qu'il fut temps pour lui de mourir de faim,
elle le fit entrer dans l'office et lui donna un morceau de pain avec du
jambon et des fruits. Pierrot, inonde de larmes, mangea de bon appetit en
regardant Margot de tous ses yeux. Elle lui fit comprendre aisement que,
pour entrer au service de quelqu'un, il faut attendre qu'il y ait une
place vacante, et elle lui promit qu'a la premiere occasion elle se
chargerait de sa demande. Elle le remercia de son amitie, l'assura qu'elle
l'aimait de meme, essuya ses larmes, l'embrassa sur le front avec un petit
air maternel, et le decida enfin a s'en retourner. Pierrot, convaincu,
fourra dans ses poches ce qui restait de son dejeuner; Margot lui donna
en outre un ecu de cent sous pour s'acheter un gilet et des sabots.
Ainsi console, il prit la main de la jeune fille et y colla ses levres
en lui disant d'une voix emue: Au revoir, mam'selle Marguerite. Pendant
qu'il s'eloignait a pas lents, Margot s'apercut que le petit garcon
commencait a devenir grand. Elle fit reflexion qu'il n'avait qu'un an
de moins qu'elle, et elle se promit, a la premiere occasion, de ne plus
l'embrasser si vite.
Le lendemain, elle remarqua que Gaston, contre son ordinaire, n'etait
point alle a la chasse, et qu'il y avait dans sa toilette plus de
rec
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