ayons de lumiere n'y
penetraient que par instants; la conversation languissait; un bon diner,
un peu de fatigue, l'obscurite, le balancement moelleux de la berline,
tout invitait nos voyageurs au sommeil. Madame Doradour s'endormit la
premiere, et, en s'endormant, elle posa son pied sur la banquette de
devant, sans s'inquieter si elle genait Gaston. L'air etait frais; un
epais manteau, jete sur les genoux, enveloppait a la fois la marraine et
la filleule. Margot, enfoncee dans son coin, ne bougeait pas, quoique bien
eveillee; mais elle etait fort inquiete de savoir si Gaston dormait. Il
lui semblait que, puisqu'elle avait les yeux ouverts, il devait les avoir
aussi; elle le regardait sans le voir, et elle se demandait s'il en
faisait de meme. Des qu'un peu de clarte glissait dans la voiture, elle
se hasardait a tousser legerement. Le jeune homme etait immobile, et
la petite fille n'osait parler, de peur de troubler le sommeil de sa
marraine. Elle avanca la tete et regarda au dehors; l'idee d'un long
voyage a tant de ressemblance avec l'idee d'un long amour, qu'en voyant
le clair de lune et les champs, Margot oublia aussitot qu'elle etait sur
le chemin de la Honville; elle ferma a demi les paupieres, et, tout en
regardant passer les arbres, elle se figura qu'elle partait pour la Suisse
ou l'Italie avec madame Doradour et son fils. Ce reve, comme on pense,
lui en fit faire bien d'autres, et de si doux, qu'elle s'y abandonna
entierement. Elle se vit, non pas femme de Gaston, mais sa fiancee, allant
courir le monde, aimee de lui, ayant droit de l'aimer, et au bout du
voyage etait le bonheur, ce mot charmant qu'elle se repetait sans cesse,
et que, heureusement pour elle, elle comprenait si peu. Pour mieux rever,
elle ferma tout a fait les yeux; elle s'assoupit, et, par un mouvement
involontaire, elle fit comme madame Doradour: elle etendit le pied sur le
coussin qui etait devant elle; le hasard fit qu'elle posa ce pied, fort
bien chausse d'ailleurs et tres petit, precisement sur la main de Gaston.
Gaston ne parut rien sentir; mais Margot s'eveilla en sursaut; elle ne
Retira pourtant pas son pied tout de suite, elle le glissa seulement un
peu a cote. Son reve l'avait si bien bercee, que le reveil meme ne l'en
tirait pas; et ne peut-on mettre son pied sur la banquette ou dort son
amant, quand on part avec lui pour la Suisse? Peu a peu, toutefois,
l'illusion se dissipa; Margot commenca a penser a l'etourderie qu'elle
venait de fa
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