in econome quelques fruits pour le
dessert. Il y avait sur l'espalier une peche beaucoup plus grosse que
toutes les autres. Margot ne pouvait se decider a cueillir cette peche;
elle la trouvait si veloutee, et d'une si belle couleur de pourpre,
qu'elle n'osait la detacher de l'arbre, et qu'il lui semblait que c'eut
ete un meurtre de la manger. Elle ne passait jamais devant sans l'admirer,
et elle avait recommande au jardinier qu'on ne s'avisat pas d'y toucher,
sous peine d'encourir sa colere et les reproches de sa marraine. Un jour,
au soleil couchant, Gaston, revenant de la chasse, traversa le potager;
presse par la soif, il etendit la main en passant pres de l'espalier, et
le hasard fit qu'il en arracha le fruit, favori de Margot, dans lequel il
mordit sans respect. Elle etait a quelques pas de la, arrosant un carre de
legumes; elle accourut aussitot, mais le jeune homme, ne la voyant pas,
continua sa route. Apres une ou deux bouchees, il jeta le fruit a terre
et entra dans la maison. Margot avait vu, du premier coup d'oeil, que
sa chere peche etait perdue. Le brusque mouvement de Gaston, l'air
d'insouciance avec lequel il avait jete la peche, avaient produit sur la
petite fille un effet bizarre et inattendu. Elle etait desolee et en meme
temps ravie, car elle pensait que Gaston devait avoir grand'soif, par
le soleil ardent qu'il faisait, et que ce fruit devait lui avoir fait
plaisir. Elle ramassa la peche, et, apres avoir souffle dessus pour en
essuyer la poussiere, elle regarda si personne ne pouvait la voir, puis
elle y deposa un baiser furtif; mais elle ne put s'empecher en meme
temps de donner un petit coup de dent pour y gouter. Je ne sais quelle
singuliere idee lui traversa l'esprit, et, pensant peut-etre au fruit,
peut-etre a elle-meme:--Mechant garcon, murmura-t-elle, comme vous
gaspillez sans le savoir!
Je demande grace au lecteur pour les enfantillages que je lui raconte;
mais comment raconterais-je autre chose, mon heroine etant un enfant?
Madame Doradour avait ete invitee a diner dans un chateau des environs.
Elle y mena Gaston et Margot; on se separa fort tard, et il faisait nuit
close quand on reprit le chemin de la maison. Margot et sa marraine
occupaient le fond de la voiture; Gaston, assis sur le devant, et n'ayant
personne a cote de lui, s'etait etendu sur le coussin, en sorte qu'il y
etait presque couche. Il faisait un beau clair de lune, mais l'interieur
de la voiture etait fort sombre; quelques r
|