sses. Margot l'agacait, le prenait
dans ses bras, le jetait sur son lit, tantot le caressait, tantot
l'irritait; depuis dix ans qu'il etait de la maison, il ne s'etait jamais
vu a pareille fete; et il ne s'en trouvait pas precisement satisfait; mais
il prenait le tout en patience, etant, au fond, d'un bon naturel, et ayant
beaucoup d'amitie pour Margot. Le cafe pris, elle s'approchait de nouveau
de la fenetre, regardait encore un peu s'il faisait beau temps, puis elle
poussait le battant reste ouvert, mais sans le fermer tout a fait.
Pour qui aurait eu l'instinct du chasseur, c'etait alors le temps de se
mettre a l'affut. Margot achevait sa toilette, et veux-je dire qu'elle
se montrait? Non pas; elle mourait de peur d'etre vue, et d'envie de se
laisser voir. Et Margot etait une fille sage? Oui, sage, honnete et
innocente. Et que faisait-elle? Elle se chaussait, mettait son jupon et
sa robe, et de temps en temps, par la fente de la fenetre, on aurait pu
la voir allonger le bras pour prendre une epingle sur la table. Et
qu'eut-elle fait si on l'eut guettee? Elle aurait sur-le-champ ferme sa
croisee. Pourquoi donc la laisser entr'ouverte? Demandez-le-lui, je n'en
sais rien.
Les choses en etaient la, lorsqu'un certain jour madame Doradour et son
fils eurent un long entretien tete a tete. Il s'etablit entre eux un air
de mystere, et ils se parlaient souvent a mots couverts. Peu de temps
apres, madame Doradour dit a Margot:--Ma chere enfant, tu vas revoir ta
mere; nous passerons l'automne a la Honville.
V
L'habitation de la Honville etait a une lieue de Chartres, et a une
demi-lieue environ de la ferme ou demeuraient les parents de Margot.
Ce n'etait pas tout a fait un chateau, mais une tres belle maison avec
un grand parc. Madame Doradour n'y venait pas souvent, et depuis nombre
d'annees on n'y avait vu qu'un regisseur. Ce voyage precipite, les
entretiens secrets entre le jeune homme et la vieille dame, surprenaient
Margot et l'inquietaient.
Il n'y avait que deux jours que madame Doradour etait arrivee, et tous les
paquets n'etaient pas encore deballes, lorsqu'on vit s'avancer dans la
plaine dix colosses marchant en bon ordre; c'etait la famille Piedeleu qui
venait faire ses compliments: la mere portait un panier de fruits, les
fils tenaient a la main chacun un pot de giroflees, et le bonhomme se
prelassait, ayant dans ses poches deux enormes melons qu'il avait choisis
lui-meme et juges les meilleurs de son p
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