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Margot a Chartres, ou elle devait prendre la diligence. Personne n'alla
aux champs ce jour-la; presque tout le village se rassembla dans la cour
de la ferme. On avait fait a Margot un trousseau complet; le dedans, le
derriere et le dessus de la carriole etaient encombres de boites et de
cartons: les Piedeleu n'entendaient pas que leur fille fit mauvaise
figure a Paris. Margot avait fait ses adieux a tout le monde, et allait
embrasser son pere, lorsque le cure la prit par la main et lui fit une
allocution paternelle sur son voyage, sur la vie future et sur les dangers
qu'elle allait courir.--Conservez votre sagesse, jeune fille, s'ecria le
digne homme en terminant, c'est le plus precieux des tresors; veillez sur
lui, Dieu fera le reste.
Le bonhomme Piedeleu etait emu jusqu'aux larmes, quoiqu'il n'eut pas tout
compris clairement dans le discours du cure. Il serra sa fille sur son
coeur, l'embrassa, la quitta, revint a elle et l'embrassa encore; il
voulait parler, et son trouble l'en empechait.--Retiens bien les conseils
de M. le cure, dit-il enfin d'une voix alteree; retiens-les bien; ma
pauvre enfant.... Puis il ajouta brusquement: Mille pipes de diables!
n'y manque pas.
Le cure, qui etendait les mains pour donner a Margot sa benediction,
s'arreta court a ce gros mot. C'etait pour vaincre son emotion que le
bonhomme avait jure; il tourna le dos au cure et rentra chez lui sans en
dire davantage.
Margot grimpa dans la carriole, et le cheval allait partir, lorsqu'on
entendit un si gros sanglot que tout le monde se retourna. On apercut
alors un petit garcon de quatorze ans a peu pres, auquel on n'avait pas
fait attention. Il s'appelait Pierrot, et son metier n'etait pas bien
noble, car il etait gardeur de dindons; mais il aimait passionnement
Margot, non pas d'amour, mais d'amitie. Margot aimait aussi ce pauvre
petit diable; elle lui avait donne maintes fois une poignee de cerises ou
une grappe de raisin pour accompagner son pain sec. Comme il ne manquait
pas d'intelligence, elle se plaisait a le faire causer et a lui apprendre
le peu qu'elle savait, et comme ils etaient tous deux presque du meme age,
il etait souvent arrive que, la lecon finie, la maitresse et l'ecolier
avaient joue ensemble a cligne-musette. En ce moment, Pierrot portait
une paire de sabots que Margot lui avait donnee, ayant pitie de le voir
marcher pieds nus. Debout dans un coin de la cour, entoure de son modeste
troupeau, Pierrot regard
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