demanda respectueusement
si mademoiselle voulait prendre un bain. En meme temps, elle lui posa
sur les epaules une robe de flanelle ecarlate, qui parut a Margot la
pourpre d'un roi.
La salle de bain de madame Doradour etait un reduit plus mondain qu'il
n'appartient a un bain de devote; elle avait ete construite sous Louis XV.
La baignoire, exhaussee sur une estrade, etait placee dans un cintre de
stuc encadre de roses dorees, et les inevitables amours foisonnaient
autour du plafond. Sur le panneau oppose a l'estrade, on voyait une copie
des Baigneuses de Boucher, copie faite peut-etre par Boucher lui-meme.
Une guirlande de fleurs se jouait sur le lambris; un tapis moelleux
couvrait le parquet, et un rideau de soie, galamment retrousse, laissait
penetrer, a travers la persienne, un demi-jour mysterieux. Il va sans
dire que tout ce luxe etait un peu fane par le temps, et que les dorures
avaient vieilli; mais, par cette raison meme, on s'y plaisait mieux, et
on y sentait comme un reste de parfum de ces soixante annees de folie ou
regna le roi bien-aime.
Margot, seule dans cette salle, s'approcha timidement de l'estrade. Elle
examina d'abord les griffons dores places de chaque cote de la baignoire;
elle n'osait entrer dans l'eau, qui lui semblait devoir, pour le moins,
etre de l'eau de rose; elle y fourra doucement une jambe, puis l'autre,
puis elle resta debout en contemplation devant le panneau. Elle n'etait
pas connaisseuse en peinture; les nymphes de Boucher lui parurent des
deesses; elle n'imaginait pas que de pareilles femmes pussent exister sur
la terre, qu'on put manger avec des mains si blanches, ni marcher avec de
si petits pieds. Que n'eut-elle pas donne pour etre aussi belle! Elle ne
se doutait pas qu'avec ses mains halees elle valait cent fois mieux que
ces poupees. Un leger mouvement du rideau la tira de sa distraction; elle
fremit a l'idee d'etre surprise ainsi, et se plongea dans l'eau jusqu'au
cou.
Un sentiment de mollesse et de bien-etre ne tarda pas a s'emparer d'elle.
Elle commenca, comme font les enfants, par jouer dans l'eau avec le coin
de son peignoir; elle s'amusa ensuite a compter les fleurs et les rosaces
de la chambre; puis elle examina les petits amours, mais leurs gros
ventres lui deplaisaient. Elle appuya sa tete sur le bord de la baignoire,
et regarda par la fenetre entr'ouverte.
La salle de bain etait au rez-de-chaussee, et la fenetre donnait sur le
jardin. Ce n'etait pas, comme on
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