ent qu'apres la noce le
Visage de leur fiancee, qui, jusque-la, reste voilee devant eux, comme
devant tout le monde. Ils se fient a ce que leur ont dit les parents, et
se marient ainsi sur parole. La ceremonie terminee, la jeune femme se
montre a l'epoux, qui peut alors verifier par lui-meme si son marche
conclu est bon ou mauvais; comme il est trop tard pour s'en dedire, il
n'a rien de mieux a faire que de le trouver bon; et l'on ne voit pas,
du reste, que ces unions soient plus malheureuses que d'autres.
Pippo se trouvait precisement dans le meme cas qu'un fiance turc: il ne
s'attendait pas, il est vrai, a trouver une vierge dans sa dame inconnue,
mais il s'en consolait aisement; il y avait en outre cette difference
a son avantage, que ce n'etait pas un lien aussi solennel qu'il allait
contracter. Il pouvait se livrer aux charmes de l'attente et de la
surprise, sans en redouter les inconvenients, et cette consideration
lui semblait suffire pour le dedommager de ce qui pourrait d'ailleurs
lui manquer. Il se figura donc que cette nuit etait reellement celle de
ses noces, et il n'est pas etonnant qu'a son age cette pensee lui causat
des transports de joie.
La premiere nuit des noces doit etre, en effet, pour une imagination
active, un des plus grands bonheurs possibles, car il n'est precede
d'aucune peine. Les philosophes veulent, il est vrai, que la peine
donne plus de saveur au plaisir qu'elle accompagne, mais Pippo pensait
qu'une mechante sauce ne rend pas le poisson plus frais. Il aimait donc
les jouissances faciles, mais il ne les voulait pas grossieres, et,
malheureusement, c'est une loi presque invariable que les plaisirs exquis
se payent cherement. Or la nuit des noces fait exception a cette regle;
c'est une circonstance unique dans la vie, qui satisfait a la fois les
deux penchants les plus chers a l'homme, la paresse et la convoitise;
elle amene dans la chambre d'un jeune homme une femme couronnee de fleurs,
qui ignore l'amour, et dont une mere s'est efforcee, depuis quinze ans,
d'ennoblir l'ame et d'orner l'esprit: pour obtenir un regard de cette
belle creature, il faudrait peut-etre la supplier pendant une annee
entiere; cependant, pour posseder ce tresor, l'epoux n'a qu'a ouvrir les
bras; la mere s'eloigne; Dieu lui-meme le permet. Si, en s'eveillant d'un
si beau reve, on ne se trouvait pas marie, qui ne voudrait le faire tous
les soirs?
Pippo ne regrettait pas de ne point avoir adresse de questions a l
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