te dame, respectable par son age, etait des plus
riches et des plus spirituelles de la republique; elle etait, en outre,
marraine de Pippo, et, comme il n'y avait pas une personne de distinction
a Venise qu'elle ne connut, il esperait qu'elle pourrait l'aider a
eclaircir le mystere qui l'occupait. Il pensa toutefois qu'il etait encore
trop matin pour se presenter chez sa protectrice, et il fit un tour de
promenade, en attendant, sous les Procuraties.
Le hasard voulut qu'il y rencontrat precisement Monna Bianchina, qui
marchandait des etoffes; il entra dans la boutique, et, sans trop savoir
pourquoi, apres quelques paroles insignifiantes, il lui dit: Monna
Bianchina, vous m'avez envoye ce matin un joli cadeau, et vous m'avez
donne un sage conseil; je vous en remercie bien humblement.
En s'exprimant avec cet air de certitude, il comptait peut-etre
s'affranchir sur-le-champ du doute qui l'avait tourmente; mais Monna
Bianchina etait trop rusee pour temoigner de l'etonnement avant d'avoir
examine s'il etait de son interet d'en montrer. Bien qu'elle n'eut
reellement rien envoye au jeune homme, elle vit qu'il y avait moyen de
lui faire prendre le change; elle repondit, il est vrai, qu'elle ne savait
de quoi il lui parlait; mais elle eut soin, en disant cela, de sourire
avec tant de finesse et de rougir si modestement, que Pippo demeura
convaincu, malgre les apparences, que la bourse venait d'elle.--Et depuis
quand, lui demanda-t-il, avez-vous a vos ordres cette jolie negresse?
Deconcertee par cette question, et ne sachant comment y repondre, Monna
Bianchina hesita un moment, puis elle partit d'un grand eclat de rire et
quitta brusquement Pippo. Reste seul et desappointe, celui-ci renonca a la
visite qu'il avait projetee; il rentra chez lui, jeta la bourse dans un
coin, et n'y songea pas davantage.
Il arriva pourtant quelques jours apres qu'il perdit au jeu une forte
somme sur parole. Comme il sortait pour acquitter sa dette, il lui parut
commode de se servir de cette bourse, qui etait grande, et qui faisait
bon effet a sa ceinture; il la prit donc, et, le soir meme, il joua de
nouveau et perdit encore.
--Continuez-vous? demanda ser Vespasiano, le vieux notaire de la
chancellerie, lorsque Pippo n'eut plus d'argent.
--Non, repondit celui-ci, je ne veux plus jouer sur parole.
--Mais je vous preterai ce que vous voudrez, s'ecria la comtesse Orsini.
--Et moi aussi, dit ser Vespasiano.
--Et moi aussi, repeta d'une
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