deja dit qu'il
etait tres fatigue de ses importunites, auxquelles il avait resolu de ne
pas repondre.
Or il arriva que Monna Bianchina, poussee a bout par cette froideur
tenta une demarche audacieuse qui deplut beaucoup au jeune homme. Elle se
presenta seule chez lui, pendant son absence, donna quelque argent a un
domestique, et reussit a se cacher dans l'appartement. En rentrant, il la
trouva donc, et il se vit force de lui dire, sans detour, qu'il n'avait
point d'amour pour elle, et qu'il la priait de le laisser en repos.
La Bianchina, qui, comme je l'ai dit, etait jolie, se laissa aller a une
colere effrayante; elle accabla Pippo de reproches, mais non plus tendres
cette fois. Elle lui dit qu'il l'avait trompee en lui parlant d'amour,
qu'elle se regardait comme compromise par lui, et qu'enfin elle se
vengerait. Pippo n'ecouta pas ses menaces sans s'irriter a son tour; pour
lui prouver qu'il ne craignait rien, il la forca de reprendre a l'instant
meme un bouquet qu'elle lui avait envoye le matin, et, comme la bourse se
trouvait sous sa main:--Tenez, lui dit-il, prenez aussi cela; cette bourse
m'a porte bonheur, mais apprenez par la que je ne veux rien de vous.
A peine eut-il cede a ce mouvement de colere, qu'il en eut du regret.
Monna Bianchina se garda bien de le detromper sur le mensonge qu'elle lui
avait fait. Elle etait pleine de rage, mais aussi de dissimulation. Elle
prit la bourse et se retira, bien decidee a faire repentir Pippo de la
maniere dont il l'avait traitee.
Il joua le soir comme a l'ordinaire, et perdit; les jours suivants, il ne
fut pas plus heureux. Ser Vespasiano avait toujours le meilleur de, et
lui gagnait des sommes considerables. Il se revolta contre sa fortune
et contre sa superstition, il s'obstina et perdit encore. Enfin, un jour
qu'il sortait de chez la comtesse Orsini, il ne put s'empecher de s'ecrier
dans l'escalier: Dieu me pardonne! je crois que ce vieux fou avait raison,
et que ma bourse etait ensorcelee; car je n'ai plus un de passable depuis
que je l'ai rendue a la Bianchina.
En ce moment, il apercut, flottant devant lui, une robe a fleurs, d'ou
sortaient deux jambes fines et lestes; c'etait la mysterieuse negresse.
Il doubla le pas, l'accosta, et lui demanda qui elle etait et a qui elle
appartenait.
--Qui sait? repondit l'Africaine avec un malicieux sourire.
--Toi, je suppose. N'es-tu pas la servante de Monna Bianchina?
--Non; qui est-elle, Monna Bianchina?
--Eh
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