mars. C'est un marronnier qui, dit-on, etait en fleur le jour de la
naissance du roi de Rome, et qui, tous les ans, fleurit a la meme epoque.
Frederic s'etait assis bien des fois sous cet arbre; il y retourna, par
habitude, en revant. Le marronnier etait fidele a sa poetique renommee;
ses branches repandaient les premiers parfums de l'annee. Des femmes, des
enfants, des jeunes gens allaient et venaient. La gaiete du printemps
respirait sur tous les visages. Frederic reflechissait a l'avenir, a son
voyage, au pays qu'il allait voir; une inquietude melee d'esperance
l'agitait malgre lui; tout ce qui l'entourait semblait l'appeler a une
existence nouvelle. Il pensa a son pere, dont il etait l'orgueil et
l'appui, dont il n'avait recu, depuis qu'il etait au monde, que des
marques de tendresse. Peu a peu des idees plus douces, plus saines,
prirent le dessus dans son esprit. La multitude qui se croisait devant lui
le fit songer a la variete et a l'inconstance des choses. N'est-ce pas, en
effet, un spectacle etrange que celui de la foule, quand on reflechit que
chaque etre a sa destinee? Y a-t-il rien qui doive nous donner une idee
plus juste de ce que nous valons, et de ce que nous sommes aux yeux de la
Providence? Il faut vivre, pensa Frederic, il faut obeir au supreme guide.
Il faut marcher meme quand on souffre, car nul ne sait ou il va. Je suis
libre et bien jeune encore; il faut prendre courage et se resigner.
Comme il etait plonge dans ces pensees, Gerard parut et accourut vers lui.
Il etait pale et tres emu.
--Mon ami, lui dit-il, il faut y aller. Vite, ne perdons pas de temps.
--Ou me menes-tu?
--Chez elle. Je t'ai conseille ce que j'ai cru juste; mais il y a telle
occasion ou le calcul est en defaut, et la prudence hors de saison.
--Que se passe-t-il donc? s'ecria Frederic.
--Tu vas le savoir; viens, courons.
Ils allerent ensemble chez Bernerette.
--Monte seul, dit Gerard, je reviens dans un instant;--et il s'eloigna.
Frederic entra. La clef etait a la porte, les volets etaient fermes.
--Bernerette, dit-il, ou etes-vous?
Point de reponse.
Il s'avanca dans les tenebres, et, a la lueur d'un feu a demi eteint, il
apercut son amie assise a terre pres de la cheminee.
--Qu'avez-vous? demanda-t-il, qu'est-il arrive?
Meme silence.
Il s'approcha d'elle, lui prit la main.
--Levez-vous, lui dit-il; que faites-vous la?
Mais a peine avait-il prononce ces mots, qu'il recula d'horreur. La main
qu
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