'il tenait etait glacee et un corps inanime venait de rouler a ses
pieds.
Epouvante, il appela au secours. Gerard entrait, suivi d'un medecin. On
ouvrit la fenetre; on porta Bernerette sur son lit. Le medecin l'examina,
secoua la tete, et donna des ordres. Les symptomes n'etaient pas douteux,
la pauvre fille avait pris du poison; mais quel poison? Le medecin
l'ignorait, et cherchait en vain a le deviner. Il commenca par saigner la
malade; Frederic la soutenait dans ses bras; elle ouvrit les yeux, le
reconnut et l'embrassa, puis elle retomba dans sa lethargie. Le soir, on
lui fit prendre une tasse de cafe; elle revint a elle comme si elle se fut
eveillee d'un songe. On lui demanda alors quel etait le poison dont elle
s'etait servie; elle refusa d'abord de le dire; mais, pressee par le
medecin, elle l'avoua. Un flambeau de cuivre, place sur la cheminee,
portait les marques de plusieurs coups de lime; elle avait eu recours
a cet affreux moyen pour augmenter l'effet d'une faible dose d'opium,
le pharmacien auquel elle s'etait adressee ayant refuse d'en donner
davantage.
IX
Ce ne fut qu'au bout de quinze jours qu'elle fut entierement hors de
danger. Elle commenca a se lever et a prendre quelque nourriture; mais
sa sante etait detruite, et le medecin declara qu'elle souffrirait toute
sa vie.
Frederic ne l'avait pas quittee. Il ignorait encore le motif qui lui
avait fait chercher la mort, et il s'etonnait que personne au monde ne
s'inquietat d'elle. Depuis quinze jours, en effet, il n'avait vu venir
chez elle ni un parent ni un etranger. Se pouvait-il que son nouvel amant
l'abandonnat dans une pareille circonstance? Cet abandon etait-il la cause
du desespoir de Bernerette? Ces deux suppositions paraissaient egalement
incroyables a Frederic, et son amie lui avait fait comprendre qu'elle
ne s'expliquerait pas sur ce sujet. Il restait donc dans un doute cruel,
trouble par une jalousie secrete, retenu par l'amour et par la pitie.
Au milieu de ses douleurs, Bernerette lui temoignait la plus vive
tendresse. Pleine de reconnaissance pour les soins qu'il lui prodiguait,
elle etait, pres de lui, plus gaie que jamais, mais d'une gaiete
melancolique, et, pour ainsi dire, voilee par la souffrance. Elle faisait
tous ses efforts pour le distraire, et pour lui persuader de ne pas la
laisser seule. S'il s'eloignait, elle lui demandait a quelle heure il
reviendrait. Elle voulait qu'il dinat a son chevet, et s'endormir en lui
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