s a Venise tant que durait le carnaval.
(_Note de l'auteur_.)]
Le portier tardait a ouvrir.
--Que demandes-tu? cria le jeune homme; est-ce a moi que tu as affaire,
brunette? Mon nom est Vecellio, et, si on te fait attendre, je vais aller
t'ouvrir moi-meme.
La negresse leva la tete.
--Votre nom est Pomponio Vecellio?
--Oui, ou Pippo, comme tu voudras.
--Vous etes le fils du Titien?
--A ton service; qu'y a-t-il pour te plaire?
Apres avoir jete sur Pippo un coup d'oeil rapide et curieux, la negresse
fit quelques pas en arriere, lanca adroitement sur le balcon une petite
boite roulee dans du papier, puis s'enfuit promptement, en se retournant
de temps en temps. Pippo ramassa la boite, l'ouvrit et y trouva une jolie
bourse enveloppee dans du coton. Il soupconna avec raison qu'il pouvait y
avoir sous le coton un billet qui lui expliquerait cette aventure. Le
billet s'y trouvait en effet, mais etait aussi mysterieux que le reste,
car il ne contenait que ces mots: "Ne depense pas trop legerement ce que
je renferme; quand tu sortiras de chez toi, charge-moi d'une piece d'or,
c'est assez pour un jour; et s'il t'en reste le soir quelque chose, si peu
que ce soit, tu trouveras un pauvre qui t'en remerciera."
Lorsque le jeune homme eut retourne la boite de cent facons, examine la
bourse, regarde de nouveau sur le quai, et qu'il vit enfin clairement
qu'il n'en pourrait savoir davantage: Il faut avouer, pensa-t-il, que ce
cadeau est singulier, mais il vient cruellement mal a propos. Le conseil
qu'on me donne est bon; mais il est trop tard pour dire aux gens qu'ils se
noient quand ils sont au fond de l'Adriatique. Qui diable peut m'envoyer
cela?
Pippo avait aisement reconnu que la negresse etait une servante; il
commenca a chercher dans sa memoire quelle etait la femme ou l'ami capable
de lui adresser cet envoi, et, comme sa modestie ne l'aveuglait pas, il
se persuada que ce devait etre une femme plutot qu'un de ses amis. La
bourse etait en velours brode d'or; il lui sembla qu'elle etait faite avec
une finesse trop exquise pour sortir de la boutique d'un marchand. Il
passa donc en revue dans sa tete d'abord les plus belles dames de Venise,
ensuite celles qui l'etaient moins; mais il s'arreta la, et se demanda
comment il s'y prendrait pour decouvrir d'ou lui venait sa bourse. Il fit
la-dessus les reves les plus hardis et les plus doux; plus d'une fois il
crut avoir devine; le coeur lui battait, tandis qu'il s'effor
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