le trompait.
Il sentit cette fois moins de douleur que d'indignation. La trahison etait
trop forte pour que le mepris ne vint pas prendre la place de l'amour.
Rentre chez lui, il ecrivit une longue lettre a Bernerette pour l'accabler
des reproches les plus amers. Mais il dechira cette lettre au moment de
l'envoyer; une si miserable creature ne lui parut pas digne de sa colere.
Il resolut de partir le plus tot possible; une place etait vacante pour le
lendemain a la malle-poste de Strasbourg; il la retint, et courut prevenir
son pere; toute la famille le felicita; on ne lui demanda pas, bien
entendu, par quel hasard il obeissait si vite. Gerard seul sut la verite.
Mademoiselle Darcy declara que c'etait une pitie, et que les hommes
manqueraient toujours de coeur. Mademoiselle Hombert augmenta de ses
epargnes la petite somme qu'emportait son neveu. Un diner d'adieu reunit
toute la famille, et Frederic partit pour la Suisse.
X
Les plaisirs et les fatigues du voyage, l'attrait du changement, les
occupations de sa nouvelle carriere, rendirent bientot le calme a son
esprit. Il ne pensait plus qu'avec horreur a la fatale passion qui avait
failli le perdre. Il trouva a l'ambassade l'accueil le plus gracieux:
il etait bien recommande; sa figure prevenait en sa faveur; une modestie
naturelle donnait plus de prix a ses talents, sans leur oter leur relief;
il occupa bientot dans le monde une place honorable et le plus riant
avenir s'ouvrit devant lui.
Bernerette lui ecrivit plusieurs fois. Elle lui demandait gaiement
s'il etait parti pour tout de bon, et s'il comptait bientot revenir. Il
s'abstint d'abord de repondre; mais, comme les lettres continuaient et
devenaient de plus en plus pressantes, il perdit enfin patience. Il
repondit et dechargea son coeur. Il demanda a Bernerette, dans les termes
les plus amers, si elle avait oublie sa double trahison, et il la pria de
lui epargner a l'avenir de feintes protestations dont il ne pouvait plus
etre la dupe. Il ajouta que, du reste, il benissait la Providence de
l'avoir eclaire a temps; que sa resolution etait irrevocable, et qu'il ne
reverrait probablement la France qu'apres un long sejour a l'etranger.
Cette lettre partie, il se sentit plus a l'aise et entierement delivre du
passe. Bernerette cessa de lui ecrire depuis ce moment, et il n'entendit
plus parler d'elle.
Une famille anglaise assez riche habitait une jolie maison aux environs de
Berne. Frederic y fut presen
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