ts, et lui demanda son autorisation. La reponse fut
favorable. Au bout de quinze jours, les dettes etaient payees; rien ne
s'opposait plus au depart de Frederic, et il alla chercher son passe-port.
Mademoiselle Darcy lui fit mille questions, mais il n'y voulait plus
repondre. Tant qu'il n'avait pas vu clair dans son propre coeur, il
s'etait prete par faiblesse a la curiosite de sa jeune confidente; mais
la souffrance etait maintenant trop vraie pour qu'il consentit a en faire
un jeu, et, en s'apercevant du danger de sa passion, il avait compris
combien l'interet qu'y prenait mademoiselle Darcy etait frivole. Il fit
donc ce que font tous les hommes en pareil cas. Pour aider lui-meme a
sa guerison, il pretendit qu'il etait gueri; qu'une amourette avait
pu l'etourdir, mais qu'il etait d'un age a penser a des choses plus
serieuses. Mademoiselle Darcy, comme on peut croire, n'approuva pas de
pareils sentiments; elle ne voyait de serieux en ce monde que l'amour;
le reste lui semblait meprisable. Tels etaient du moins ses discours.
Frederic la laissa parler, et convint de bonne grace avec elle qu'il ne
saurait jamais aimer. Son coeur lui disait assez le contraire, et, en se
donnant pour inconstant, il aurait voulu ne pas mentir.
Moins il se sentait de courage, plus il se hatait de partir. Il ne pouvait
cependant se defendre d'une pensee qui l'obsedait. Quel etait le nouvel
amant de Bernerette? Que faisait-elle? Devait-il tenter de la revoir
encore une fois? Gerard n'etait pas de cet avis; il avait pour principe de
ne rien faire a demi. Du moment que Frederic etait decide a s'eloigner, il
lui conseillait de tout oublier.--Que veux-tu savoir? lui disait-il; ou
Bernerette ne te dira rien, ou elle alterera la verite. Puisqu'il est
prouve qu'un autre amour l'occupe, a quoi bon le lui faire avouer? Une
femme n'est jamais sincere sur ce sujet avec un ancien amant, meme lorsque
tout rapprochement est impossible. Qu'esperes-tu d'ailleurs? elle ne
t'aime plus.
C'etait a dessein et pour rendre a son ami un peu de force, que Gerard
s'exprimait en termes aussi durs. Je laisse a ceux qui ont aime a juger
l'effet qu'ils pouvaient produire. Mais bien des gens ont aime qui ne le
savent pas. Les liens de ce monde, meme les plus forts, se denouent la
plupart du temps; quelques-uns seulement se brisent. Ceux dont l'absence,
l'ennui, la satiete, ont affaibli peu a peu les amours, ne peuvent se
figurer ce qu'ils eussent eprouve si un coup subi
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