la rampe, tu me le
payeras; je te retrouverai, et je saurai te faire obeir ou t'arracher
d'ici. Je me soucie bien de ces menaces et de vos criailleries de femmes!
Comptez que dans peu vous me reverrez. Il descendit en parlant ainsi, et
sortit furieux de la maison. Frederic hesitait a monter, lorsqu'il vit
Bernerette sur le palier. Elle lui expliqua la cause de cette scene.
L'homme qui venait de s'en aller etait son frere.
--Vous avez entendu ce triste nom de Louise, dit elle en pleurant, et vous
savez qu'il m'appartient pour mon malheur. Mon frere a ete ce soir au
cabaret, et quand il en sort, voila comme il me traite, sous le pretexte
que je refuse de lui donner de l'argent pour y retourner.
Au milieu de son desordre et de ses larmes, elle apprit a Frederic
ce qu'elle avait toujours tente de lui cacher. Ses parents etaient
menuisiers, fort pauvres, et, apres l'avoir horriblement maltraitee durant
son enfance, ils l'avaient vendue, des l'age de seize ans, a un homme qui
n'etait plus jeune. Cet homme, riche et genereux, lui avait fait donner
quelque education; mais bientot il etait mort, et, restee sans ressource,
elle s'etait engagee alors dans une troupe de comediens de province. Son
frere l'avait suivie de ville en ville dans ce nouvel etat, la forcant a
lui abandonner ce qu'elle gagnait, et l'accablant de coups et d'injures
lorsqu'elle ne pouvait satisfaire a ses demandes. Ayant enfin atteint
l'age de dix-huit ans, elle avait trouve moyen de se faire emanciper; mais
la protection meme de la loi ne pouvait la garantir des visites de ce
frere odieux qui l'epouvantait par des actes de violence et la deshonorait
par sa conduite. Tel fut, en somme, a peu pres le recit que la douleur
arracha a Bernerette, recit dont Frederic ne pouvait mettre la verite en
doute, d'apres la maniere dont elle lui etait revelee.
Quand il n'aurait pas eu d'amour pour la pauvre fille, il se serait senti
touche de pitie. Il s'informa de la demeure du frere; quelques pieces d'or
et un langage ferme accommoderent les choses. La portiere eut ordre de
repondre que Bernerette avait change de quartier, si le jeune homme se
presentait de nouveau. Mais c'etait faire bien peu que d'assurer ainsi
la tranquillite d'une femme qui manquait de tout. Au lieu de payer ses
propres dettes, Frederic paya celles de Bernerette; elle essaya en vain de
l'en dissuader; il ne voulut reflechir ni a l'imprudence qu'il commettait,
ni aux suites qu'elle pourrait avoir;
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