l'ennemi, on les comble, on encloue les pieces,
on egorge tout, enfin on est maitre de la place, lorsque les troupes
debarquees s'avancent en bataille, et presentent une masse effrayante.
Rambaut, qui commandait les premiers grenadiers montes a l'assaut, est
tue. Lannes est blesse. Dans le meme moment, l'ennemi fait une sortie,
prend la breche a revers, et coupe la retraite aux braves qui avaient
penetre dans la place. Les uns parviennent a ressortir; les autres,
prenant un parti desespere, s'enfuient dans une mosquee, s'y
retranchent, y epuisent leurs dernieres cartouches, et sont prets a
vendre cherement leur vie, lorsque Sydney-Smith, touche de tant de
bravoure, leur fait accorder une capitulation. Pendant ce temps, les
troupes de siege, marchant sur l'ennemi, le ramenent dans la place,
apres en avoir fait un carnage epouvantable, et lui avoir enleve huit
cents prisonniers. Bonaparte, obstine jusqu'a la fureur, donne deux
jours de repos a ses troupes, et le 21 (10 mai) ordonne un nouvel
assaut. On y monte avec la meme bravoure, on escalade la breche; mais on
ne peut pas la depasser. Il y avait toute une armee gardant la place et
defendant toutes les rues. Il fallut y renoncer.
Il y avait deux mois qu'on etait devant Acre, on avait fait des pertes
irreparables, et il eut ete imprudent de s'exposer a en faire davantage.
La peste etait dans cette ville, et l'armee en avait pris le germe a
Jaffa. La saison des debarquemens approchait, et on annoncait l'arrivee
d'une armee turque vers les bouches du Nil. En s'obstinant davantage,
Bonaparte pouvait s'affaiblir, au point de ne pouvoir repousser de
nouveaux ennemis. Le fond de ses projets etait realise, puisqu'il avait
detruit les rassemblemens formes en Syrie, et que de ce cote il avait
reduit l'ennemi a l'impuissance d'agir. Quant a la partie brillante de
ces memes projets, quant a ces vagues et merveilleuses esperances de
conquetes en Orient, il fallait y renoncer. Il se decida enfin a lever
le siege. Mais son regret fut tel, que, malgre sa destinee inouie, on
lui a entendu repeter souvent, en parlant de Sidney-Smith: _Cet homme
m'a fait manquer ma fortune_. Les Druses, qui pendant le siege avaient
nourri l'armee, toutes les peuplades ennemies de la Porte, apprirent sa
retraite avec desespoir.
Il avait commence le siege le 30 ventose (20 mars), il le leva le 1er
prairial (20 mai): il y avait employe deux mois. Avant de quitter
Saint-Jean-d'Acre, il voulait laisser une
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