terrible trace de son passage:
il accabla la ville de ses feux, et la laissa presque reduite en
cendres. Il reprit la route du desert. Il avait perdu par le feu, les
fatigues ou les maladies, pres du tiers de son armee d'expedition,
c'est-a-dire environ quatre mille hommes. Il emmenait douze cents
blesses. Il se mit en marche pour repasser le desert. Il ravagea sur sa
route tout le pays, et y imprima une profonde terreur. Arrive a Jaffa,
il en fit sauter les fortifications. Il y avait la une ambulance pour
nos pestiferes. Les emporter etait impossible: en ne les emportant pas,
on les laissait exposes a une mort inevitable, soit par la maladie, soit
par la faim, soit par la cruaute de l'ennemi. Aussi Bonaparte dit-il
au medecin Desgenettes, qu'il y aurait bien plus d'humanite a leur
administrer de l'opium qu'a leur laisser la vie; a quoi ce medecin fit
cette reponse, fort vantee: _Mon metier est de les guerir, et non de les
tuer_. On ne leur administra point d'opium, et ce fait servit a propager
une calomnie indigne, et aujourd'hui detruite.
Bonaparte rentra enfin en Egypte apres une expedition de pres de trois
mois. Il etait temps qu'il y arrivat. L'esprit d'insurrection s'etait
repandu dans tout le Delta. Un imposteur, qui s'appelait l'ange
El-Mohdhy, qui se disait invulnerable, et qui pretendait chasser les
Francais en soulevant de la poussiere, avait reuni quelques mille
insurges. Les agens des Mamelucks l'aidaient de leur concours; il
s'etait empare de Damanhour, et en avait egorge la garnison. Bonaparte
envoya un detachement, qui dispersa les insurges, et tua l'ange
invulnerable. Le trouble s'etait communique aux differentes provinces du
Delta; sa presence ramena partout la soumission et le calme. Il ordonna
au Caire des fetes magnifiques, pour celebrer ses triomphes en Syrie.
Il n'avouait pas la partie manquee de ses projets, mais il vantait avec
raison les nombreux combats livres en Syrie, la belle bataille du mont
Thabor, les vengeances terribles exercees contre Djezzar. Il repandit
de nouvelles publications aux habitans, dans lesquelles ils leur disait
qu'il etait dans le secret de leurs pensees, et devinait leurs projets
a l'instant ou ils les formaient. Ils ajouterent foi a ces etranges
paroles du sultan Kebir et le croyaient present a toutes leurs pensees.
Bonaparte n'avait pas seulement a contenir les habitans, mais encore ses
generaux et l'armee elle-meme. Un mecontentement sourd y regnait. Ce
mecontentem
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