Lefebvre pour l'engager a
passer chez lui a six heures du matin. Lefebvre etait tout devoue au
directoire; mais Bonaparte comptait bien qu'il ne resisterait pas a son
ascendant. Il n'avait fait prevenir ni Bernadotte ni Augereau. Il avait
eu soin, pour tromper Gohier, de s'inviter a diner chez lui le 18 meme,
avec toute sa famille, et en meme temps, pour le decider a donner sa
demission, il le fit prier par sa femme de venir le lendemain matin, a
huit heures, dejeuner rue Chantereine.
Le 18 au matin, un mouvement imprevu de ceux memes qui concouraient a
le produire, se manifesta de toutes parts. Une nombreuse cavalerie
parcourait les boulevards; tout ce qu'il y avait de generaux et
d'officiers dans Paris se rendaient en grand uniforme rue Chantereine,
sans se douter de l'affluence qu'ils allaient y trouver. Les deputes
des anciens couraient a leur poste, etonnes de cette convocation
si soudaine. Les cinq-cents ignoraient, pour la plupart, ce qui se
preparait. Gohier, Moulins, Barras, etaient dans une complete ignorance.
Mais Sieyes, qui depuis quelque temps prenait des lecons d'equitation,
et Roger-Ducos, etaient deja a cheval, et se rendaient aux Tuileries.
Des que les anciens se furent assembles, le president de la commission
des inspecteurs prit la parole. La commission chargee de veiller a
la surete du corps legislatif avait, dit-il, appris que des projets
sinistres se tramaient, que des conspirateurs accouraient en foule a
Paris, y tenaient des conciliabules, et y preparaient des attentats
contre la liberte de la representation nationale. Le depute Cornet
ajouta que le conseil des anciens avait dans les mains le moyen de
sauver la republique, et qu'il devait en user. Ce moyen, c'etait de
transferer le corps legislatif a Saint-Cloud pour le soustraire aux
attentats des conspirateurs, de mettre pendant ce temps la tranquillite
publique sous la garde d'un general capable de l'assurer, et de choisir
Bonaparte pour ce general. A peine la lecture de cette proposition et du
decret qui la contenait etait-elle achevee, qu'une certaine emotion
se manifesta dans le conseil. Quelques membres voulurent s'y opposer;
Cornudet, Lebrun, Fargues, Regnier, l'appuyerent. Le nom de Bonaparte,
qu'on avait fait valoir, et de l'appui duquel on se savait assure,
decida la majorite. A huit heures le decret etait rendu. Il transferait
les conseils a Saint-Cloud, et les y convoquait pour le lendemain a
midi. Bonaparte etait nomme general
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