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passant le Rubicon, Cromwell en fermant le parlement. Bonaparte se
decide a faire marcher les grenadiers sur l'assemblee. Il monte a cheval
avec Lucien, et parcourt le front des troupes. Lucien les harangue. "Le
conseil des cinq-cents est dissous, leur dit-il, c'est moi qui vous le
declare. Des assassins ont envahi la salle des seances, et ont fait
violence a la majorite; je vous somme de marcher pour la delivrer."
Lucien jure ensuite que lui et son frere seront les defenseurs fideles
de la liberte. Murat et Leclerc ebranlent alors un bataillon de
grenadiers, et le conduisent a la porte des cinq-cents. Ils s'avancent
jusqu'a l'entree de la salle. A la vue des baionnettes, les deputes
poussent des cris affreux, comme ils avaient fait a la vue de Bonaparte.
Mais un roulement de tambours couvre leurs cris. _Grenadiers, en avant!_
s'ecrient les officiers. Les grenadiers entrent dans la salle, et
dispersent les deputes qui s'enfuient les uns par les couloirs, les
autres par les fenetres. En un instant la salle est evacuee, et
Bonaparte reste maitre de ce deplorable champ de bataille.
La nouvelle est portee aux anciens, qui en sont remplis d'inquietude et
de regrets. Ils n'avaient pas souhaite un pareil attentat. Lucien se
presente a leur barre, et vient justifier sa conduite a l'egard des
cinq-cents. On se contente de ses raisons, car que faire dans une
pareille situation?... Il fallait en finir, et remplir l'objet qu'on
s'etait propose. Le conseil des anciens ne pouvait pas decreter a lui
seul l'ajournement du corps legislatif et l'institution du consulat. Le
conseil des cinq-cents etait dissous; mais il restait une cinquantaine
de deputes, partisans du coup d'etat. On les reunit, et on leur fait
rendre le decret, objet de la revolution qu'on venait de faire. Le
decret est ensuite porte aux anciens, qui l'adoptent vers le milieu
de la nuit. Bonaparte, Roger-Ducos, Sieyes, sont nommes consuls
provisoires, et revetus de toute la puissance executive. Les conseils
sont ajournes au 1er ventose prochain. Ils sont remplaces par deux
commissions de vingt-cinq membres chacune, prises dans les conseils,
et chargees d'approuver les mesures legislatives que les trois consuls
auront besoin de prendre. Les consuls et les commissions sont charges de
rediger une constitution nouvelle.
Telle fut la revolution du 18 brumaire, jugee si diversement par les
hommes, regardee par les uns comme l'attentat qui aneantit l'essai de
notre li
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