ns le tumulte, ses vetemens aient ete dechires,
sans qu'il y eut la des poignards. Il est possible aussi que des
poignards fussent dans plus d'une main. Des republicains qui croyaient
voir un nouveau Cesar, pouvaient s'armer du fer de Brutus, sans etre des
assassins. Il y a une grande faiblesse a les en justifier. Quoi qu'il
en soit, Bonaparte est emporte hors de la salle. On dit qu'il etait
trouble, ce qui n'est pas plus etonnant que la supposition des
poignards. Il monte a cheval, se rend aupres des troupes, leur dit qu'on
a voulu l'assassiner, que ses jours ont ete en peril, et est accueilli
partout par les cris de _vive Bonaparte!_
Dans ce moment l'orage continue, plus violent que jamais, dans
l'assemblee, et se dirige contre Lucien. Celui-ci deploie une fermete et
un courage rares. "Votre frere est un tyran, lui dit-on; en un jour il
a perdu toute sa gloire." Lucien cherche en vain a le justifier. "Vous
n'avez pas voulu, dit-il, l'entendre. Il venait vous expliquer sa
conduite, vous faire connaitre sa mission, repondre a toutes les
questions que vous ne cessez d'adresser depuis que vous etes reunis.
Ses services meritaient du moins qu'on lui donnat le temps de
s'expliquer.--Non, non, a bas le tyran! s'ecrient les patriotes furieux.
Hors la loi! ajoutent-ils, hors la loi!" Ce mot etait terrible, il avait
perdu Robespierre. Prononce contre Bonaparte, il pouvait peut-etre faire
hesiter les troupes, et les detacher de lui. Lucien, avec courage,
resiste a la proposition de mise hors la loi, et demande auparavant
qu'on ecoute son frere. Il lutte long-temps au milieu d'un tumulte
epouvantable. Enfin, deposant sa toque et sa toge: "Miserables,
s'ecrie-t-il, vous voulez que je mette hors la loi mon propre frere! Je
renonce au fauteuil, et je vais me rendre a la barre pour defendre celui
qu'on accuse."
Dans ce moment, Bonaparte entendait du dehors la scene qui se passait
dans l'assemblee. Il craignait pour son frere; il envoie dix grenadiers
pour l'arracher de la salle. Les grenadiers entrent, trouvent Lucien au
milieu d'un groupe, le saisissent par le bras en lui disant que c'est
par ordre de son frere, et l'entrainent hors de l'enceinte. C'etait le
moment de prendre un parti decisif. Tout etait perdu si on hesitait. Les
moyens oratoires de ramener l'assemblee etant devenus impossibles, il
ne restait que la force; il fallait hasarder un de ces actes audacieux,
devant lesquels hesitent toujours les usurpateurs. Cesar hesi
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