sur elle. Bonaparte apprit dans le moment que Gohier
n'avait pas voulu se rendre a son invitation; il en temoigna quelque
humeur, et lui fit dire par un intermediaire qu'il se perdrait
inutilement en voulant resister. Il monta aussitot a cheval pour se
rendre aux Tuileries, et preter serment devant le conseil des anciens.
Presque tous les generaux de la republique etaient a cheval a ses cotes.
Moreau, Macdonald, Berthier, Lannes, Murat, Leclerc, etaient derriere
lui comme ses lieutenans. Il trouva aux Tuileries les detachemens du 9e,
les harangua, et, apres les avoir enthousiasmes, entra dans le palais.
Il se presenta devant les anciens, accompagne de ce magnifique
etat-major. Sa presence causa une vive sensation, et prouva aux anciens
qu'ils s'etaient associes a un homme puissant, et qui avait tous les
moyens necessaires pour faire reussir un coup d'etat. Il se presenta a
la barre: "Citoyens representans, dit-il, la republique allait perir,
votre decret vient de la sauver! Malheur a ceux qui voudraient s'opposer
a son execution; aide de tous mes compagnons d'armes rassembles ici
autour de moi, je saurai prevenir leurs efforts. On cherche en vain des
exemples dans le passe pour inquieter vos esprits; rien dans l'histoire
ne ressemble au dix-huitieme siecle, et rien dans ce siecle ne ressemble
a sa fin... Nous voulons la republique..... Nous la voulons fondee sur
la vraie liberte, sur le regime representatif... Nous l'aurons, je le
jure en mon nom, et au nom de mes compagnons d'armes....." Nous le
jurons tous, repeterent les generaux et les officiers qui etaient a la
barre. La maniere dont Bonaparte venait de preter son serment etait
adroite, en ce qu'il avait evite de preter serment a la constitution. Un
depute voulut prendre la parole pour en faire la remarque; le president
la lui refusa, sur le motif que le decret de translation interdisait
toute deliberation. On se separa sur-le-champ. Bonaparte se rendit alors
dans le jardin, monta a cheval, accompagne de tous les generaux,
et passa en revue les regimens de la garnison, qui arrivaient
successivement. Il adressa une harangue courte et energique aux soldats,
et leur dit qu'il allait faire une revolution qui leur rendrait
l'abondance et la gloire. Des cris de _vive Bonaparte!_ retentissaient
dans les rangs. Le temps etait superbe, l'affluence extraordinaire: tout
semblait seconder l'inevitable attentat qui allait terminer la confusion
par le pouvoir absolu.
Dans ce
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