encerent a s'entretenir des affaires. Bonaparte et Barras
s'attendaient. Barras entra le premier en matiere. Il debuta par des
generalites sur sa situation personnelle. Esperant sans doute que
Bonaparte affirmerait le contraire, il lui dit qu'il etait malade, use,
et condamne a renoncer aux affaires. Bonaparte gardant toujours le
silence, Barras ajouta que la republique etait desorganisee, qu'il
fallait, pour la sauver, concentrer le pouvoir et nommer un president;
et puis il nomma le general Hedouville, comme digne d'etre elu.
Hedouville etait aussi inconnu que peu capable. Barras deguisait sa
pensee, et designait Hedouville pour ne pas se nommer lui-meme. "Quant
a vous, general, ajouta-t-il, votre intention est de vous rendre a
l'armee; allez y acquerir une gloire nouvelle, et replacer la France a
son veritable rang. Moi, je vais me rejeter dans la retraite dont j'ai
besoin." Bonaparte jeta un regard fixe sur Barras, ne repondit rien, et
laissa la l'entretien. Barras interdit n'ajouta plus une seule parole.
Bonaparte se retira sur-le-champ, et, avant de quitter le Luxembourg,
passa dans l'appartement de Sieyes. Il vint lui declarer d'une maniere
expresse qu'il voulait marcher avec lui seul, et qu'ils n'avaient plus
qu'a convenir des moyens d'execution. L'alliance fut scellee dans cette
entrevue, et on convint de tout preparer pour le 18 ou le 20 brumaire.
Bonaparte en rentrant chez lui y trouva Fouche, Real et les amis de
Barras. "Eh bien, votre Barras, leur dit-il, savez-vous ce qu'il m'a
propose? de faire un president qui serait Hedouville, c'est-a-dire lui,
et de m'en aller, moi, a l'armee. Il n'y a rien a faire avec un pareil
homme." Les amis de Barras voulurent reparer cette maladresse et
chercherent a l'excuser. Mais Bonaparte insista peu, et changea
d'entretien, car son parti etait pris. Fouche se rendit aussitot chez
Barras, pour lui faire des reproches, et pour l'engager a aller corriger
l'effet de ses gaucheries. Des le lendemain matin, Barras courut chez
Bonaparte pour excuser ses paroles de la veille; il lui offrit son
devouement et sa cooperation a tout ce qu'il voudrait tenter. Bonaparte
l'ecouta peu, lui repondit par des generalites, et a son tour lui parla
de ses fatigues, de sa sante delabree, et de son degout des hommes et
des affaires.
Barras se vit perdu et sentit son role acheve. Il etait temps qu'il
recueillit le prix de ses doubles intrigues et de ses laches defections.
Les patriotes ardens n
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