truire le village, on avait voulu le conserver pour y loger les
soldats, et on l'avait simplement entoure d'une redoute pour le proteger
du cote de la terre. Mais la redoute, ne joignant pas les deux bords de
la mer, ne presentait pas un ouvrage ferme, et associait le sort du fort
a celui d'un simple ouvrage de campagne. Les Turcs en effet debarquerent
avec beaucoup de hardiesse, aborderent les retranchemens le sabre au
poing, les enleverent, et s'emparerent du village d'Aboukir, dont ils
egorgerent la garnison. Le village pris, le fort ne pouvait guere tenir,
et fut oblige de se rendre. Marmont, commandant a Alexandrie, en etait
sorti a la tete de douze cents hommes, pour courir au secours des
troupes d'Aboukir. Mais, apprenant que les Turcs etaient debarques en
nombre considerable, il n'osa pas tenter de les jeter a la mer par une
attaque hardie. Il rentra dans Alexandrie, et les laissa s'etablir
tranquillement dans la presqu'ile d'Aboukir.
Les Turcs etaient a peu pres dix-huit mille hommes d'infanterie. Ce
n'etaient pas de ces miserables fellahs qui composaient l'infanterie
des Mamelucks; c'etaient de braves janissaires, portant un fusil sans
baionnette, le rejetant en bandouliere sur le dos quand ils avaient fait
feu, puis s'elancant sur l'ennemi le pistolet et le sabre a la main. Ils
avaient une artillerie nombreuse et bien servie; et ils etaient diriges
par des officiers anglais. Ils manquaient de cavalerie, car ils avaient
a peine amene trois cents chevaux; mais ils attendaient l'arrivee de
Mourad-Bey, qui devait quitter la Haute-Egypte, longer le desert,
traverser les oasis, et venir se jeter a Aboukir avec deux a trois mille
Mamelucks.
Quand Bonaparte apprit les details du debarquement, il quitta le
Caire sur-le-champ, et fit du Caire a Alexandrie une de ces marches
extraordinaires dont il avait donne tant d'exemples en Italie. Il
emmenait avec lui les divisions Lannes, Bon et Murat. Il avait ordonne a
Desaix d'evacuer la Haute-Egypte, a Kleber et Regnier, qui etaient
dans le Delta, de se rapprocher d'Aboukir. Il avait choisi le point de
Birket, intermediaire entre Alexandrie et Aboukir, pour y concentrer ses
forces, et manoeuvrer suivant les circonstances. Il craignait qu'une
armee anglaise ne fut debarquee avec l'armee turque.
Mourad-Bey, suivant le plan convenu avec Mustapha-Pacha, avait essaye
de descendre dans la Basse-Egypte; mais rencontre, battu par Murat, il
avait ete oblige de regagner le desert.
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