rdent et genereux
patriote, et l'un des hommes les plus spirituels du temps, etaient
egalement assidus aupres de Bonaparte, et s'entretenaient avec lui des
affaires de l'etat. Il y avait a peine huit jours que le general etait
a Paris, et deja le gouvernement des affaires lui arrivait presque
involontairement. A defaut de sa volonte, qui n'etait rien encore,
on lui demandait son avis. Pour lui, avec sa reserve accoutumee, il
affectait de se soustraire aux empressemens dont il etait l'objet. Il
refusait beaucoup de monde, il se montrait peu, et ne sortait pour ainsi
dire qu'a la derobee. Son visage etait devenu plus sec, son teint plus
fonce. Il portait depuis son retour une petite redingote grise et un
sabre turc attache a un cordon de soie. Pour ceux qui avaient eu la
bonne fortune de le voir, c'etait un embleme qui rappelait l'Orient, les
Pyramides, le mont Thabor, Aboukir. Les officiers de la garnison,
les quatre adjudans de la garde nationale, l'etat-major de la place
demandaient a lui etre presentes. Il differait de jour en jour, et
semblait ne se preter qu'a regret a tous ces hommages. Il ecoutait, ne
s'ouvrait encore a personne, et observait toutes choses. Cette politique
etait profonde. Quand on est necessaire, il ne faut pas craindre
d'attendre. On irrite l'impatience des hommes, ils accourent a vous, et
vous n'avez plus qu'a choisir.
Que va faire Bonaparte? etait la question que tout le monde s'adressait.
Elle prouvait qu'il y avait quelque chose d'inevitable a faire. Deux
partis principaux, et un troisieme, subdivision des deux autres,
s'offraient a lui, et etaient disposes a le servir, s'il adoptait leurs
vues: c'etaient les patriotes, les moderes ou politiques, enfin les
_pourris_, comme on les appelait, corrompus de tous les temps et de
toutes les factions.
Les patriotes se defiaient bien de Bonaparte et de son ambition; mais
avec leur gout de detruire, et leur imprevoyance du lendemain, ils
se seraient servis de son bras pour tout renverser, sauf a s'occuper
ensuite de l'avenir. Du reste, il n'y avait de cet avis que les
forcenes, qui, toujours mecontens de ce qui existait, regardaient le
soin de detruire comme le plus pressant de tous. Le reste des patriotes,
ceux qu'on pouvait appeler les republicains, se defiaient de la renommee
du general, voulaient tout au plus qu'on lui donnat place au directoire,
voyaient meme avec peine qu'il fallut pour cela lui accorder une
dispense d'age, et souhaitaient pa
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