chose que dans le gouvernement,
ou ils s'etaient naturellement introduits, car c'est la que tendent
toujours leurs voeux. Au reste, il n'y avait qu'a ne pas s'en occuper;
ils devaient venir a celui qui reunirait le plus de chances en sa
faveur, parce qu'ils voulaient rester en possession des places et de
l'argent. Le seul parti sur lequel Bonaparte put s'appuyer etait celui
qui, partageant les besoins de toute la population, voulut mettre la
republique a l'abri des factions, en la constituant d'une maniere
solide. C'etait la qu'etait tout avenir, c'etait la qu'il devait se
ranger.
Son choix ne pouvait etre douteux: par instinct seul il etait fait
d'avance. Bonaparte avait horreur des hommes turbulens, degout des
hommes corrompus. Il ne pouvait aimer que ces hommes moderes qui
voulaient qu'on gouvernat pour eux. C'etait d'ailleurs la nation meme.
Mais il fallait attendre, se laisser prevenir par les offres des partis,
et observer leurs chefs, pour voir avec lesquels d'entre eux on pourrait
faire alliance.
Les partis etaient tous representes au directoire. Les patriotes
avaient, comme on l'a vu, Moulins et Gohier. Les pourris avaient Barras.
Les politiques ou moderes avaient Sieyes et Roger-Ducos.
Gohier et Moulins, patriotes sinceres et honnetes, plus moderes que leur
parti, parce qu'ils etaient au pouvoir, admiraient Bonaparte; mais ne
voulant se servir de son epee que pour la gloire de la constitution
de l'an III, ils souhaitaient de l'envoyer aux armees. Bonaparte les
traitait avec beaucoup d'egards; il estimait leur honnetete, car il l'a
toujours aimee chez les hommes (c'est un gout naturel et interesse chez
un homme ne pour gouverner). D'ailleurs, les egards qu'il avait pour eux
etaient un moyen de prouver qu'il honorait les vrais republicains. Sa
femme s'etait liee avec celle de Gohier. Elle calculait aussi, et elle
avait dit a madame Gohier: "Mon intimite avec vous repondra a toutes les
calomnies."
Barras, qui sentait sa fin politique approcher, et qui voyait dans
Bonaparte un successeur inevitable, le detestait profondement. Il aurait
consenti a le flatter comme autrefois, mais il se sentait plus meprise
que jamais par lui, et il en demeurait eloigne. Bonaparte avait pour cet
epicurien ignorant, blase, corrompu, une aversion tous les jours plus
insurmontable. Le nom de _pourris_ qu'il avait donne a lui et aux siens,
prouvait assez son degout et son mepris. Il etait difficile qu'il
consentit a s'allier a
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