s de la Provence avaient craint, pendant trois annees de
suite, l'invasion de l'ennemi. Bonaparte les avait delivres de cette
crainte en 1796; mais elle leur etait revenue plus grande que jamais
depuis la bataille de Novi. En apprenant que Bonaparte etait mouille sur
la cote, ils crurent leur sauveur arrive. Tous les habitans de Frejus
accoururent, et en un instant la mer fut couverte d'embarcations. Une
multitude, ivre d'enthousiasme et de curiosite, envahit les vaisseaux,
et, violant toutes les lois sanitaires, communiqua avec les nouveaux
arrives. Tous demandaient Bonaparte, tous voulaient le voir. Il n'etait
plus temps de faire observer les lois sanitaires. L'administration de la
sante dut dispenser le general de la quarantaine, car il aurait fallu
condamner a la meme precaution toute la population, qui avait deja
communique avec les equipages. Bonaparte descendit sur-le-champ a terre,
et le jour meme voulut monter en voiture pour se rendre a Paris.
Le telegraphe, aussi prompt que les vents, avait deja repandu sur
la route de Frejus a Paris, la grande nouvelle du debarquement de
Bonaparte. Sur-le-champ la joie la plus confuse avait eclate. La
nouvelle, annoncee sur tous les theatres, y avait produit des elans
extraordinaires. Les chants patriotiques avaient remplace partout les
representations theatrales. Le depute Baudin (des Ardennes), l'un des
auteurs de la constitution de l'an III, republicain sage et sincere,
attache a la republique jusqu'a la passion, et la croyant perdue si un
bras puissant ne venait la soutenir, Baudin (des Ardennes) expira de
joie en apprenant cet evenement.
Bonaparte etait parti le jour meme du 15 vendemiaire (9 octobre) pour
Paris. Il avait passe par Aix, Avignon, Valence, Lyon. Dans toutes ces
villes, l'enthousiasme fut immodere. Les cloches retentissaient dans les
villages, et pendant la nuit des feux etaient allumes sur les routes. A
Lyon surtout, les elans furent plus vifs encore que partout ailleurs.
En partant de cette derniere ville, Bonaparte, qui voulait arriver
incognito, prit une autre route que celle qu'il avait indiquee a ses
courriers. Ses freres et sa femme, trompes sur sa direction, couraient
a sa rencontre, tandis qu'il arrivait a Paris. Le 24 vendemiaire (16
octobre), il etait deja dans sa maison de la rue Chantereine, sans que
personne se doutat de son arrivee. Deux heures apres, il se rendit au
directoire. La garde le reconnut, et poussa, en le voyant, le cri de
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