ve Bonaparte!_ Il courut chez le president du directoire, c'etait
Gohier. Il fut convenu qu'il serait presente le lendemain au directoire.
Le lendemain 25, il se presenta en effet devant cette magistrature
supreme. Il dit qu'apres avoir consolide l'etablissement de son armee
en Egypte, par les victoires du mont Thabor et d'Aboukir, et confie son
sort a un general capable d'en assurer la prosperite, il etait parti
pour voler au secours de la republique, qu'il croyait perdue. Il la
trouvait sauvee par les exploits de ses freres d'armes, et il s'en
rejouissait. Jamais, ajoutait-il en mettant la main sur son epee, jamais
il ne la tirerait que pour la defense de cette republique. Le president
le complimenta sur ses triomphes et sur son retour, et lui donna
l'accolade fraternelle. L'accueil fut en apparence tres flatteur, mais
au fond les craintes etaient maintenant trop reelles et trop justifiees
par la situation, pour que son retour fit plaisir aux cinq magistrats
republicains.
Lorsque apres une longue apathie, les hommes se reveillent et
s'attachent a quelque chose, c'est avec passion. Dans ce neant ou
etaient tombees les opinions, les partis et toutes les autorites, on
etait demeure quelque temps sans s'attacher a rien. Le degout des
hommes et des choses etait universel. Mais a l'apparition de l'individu
extraordinaire que l'Orient venait de rendre a l'Europe d'une maniere si
imprevue, tout degout, toute incertitude venaient de cesser. C'est
sur lui que se fixerent sur-le-champ les regards, les voeux et les
esperances. Tous les generaux, employes ou non employes, patriotes ou
moderes, tous accoururent chez Bonaparte. C'etait naturel, puisqu'il
etait le premier membre de cette classe si ambitieuse et si mecontente.
En lui elle semblait avoir trouve un vengeur contre le gouvernement.
Tous les ministres, tous les fonctionnaires successivement disgracies
pendant les fluctuations du directoire, accoururent aussi aupres du
nouvel arrive. Ils allaient en apparence visiter le guerrier illustre,
et en realite observer et flatter l'homme puissant auquel l'avenir
semblait appartenir.
Bonaparte avait amene Lannes, Murat et Berthier, qui ne le quittaient
pas. Bientot Jourdan, Augereau, Macdonald, Beurnonville, Leclerc,
Lefebvre, Marbot, malgre des differences d'opinions, se montrerent
aupres de lui. Moreau lui-meme fit bientot partie de ce cortege.
Bonaparte l'avait rencontre, chez Gohier. Sentant que sa superiorite lui
permettait
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