rt, que sa jeunesse, sa bonne volonte,
son heroisme, recommandaient a tous les amis de la republique, venait
d'expirer a Novi. Moreau, juge le plus grand homme de guerre parmi les
generaux restes en Europe, avait laisse dans les esprits l'impression
d'un caractere froid, indecis, peu entreprenant, et peu jaloux de se
charger d'une grande responsabilite. Massena, l'un de nos plus grands
generaux, n'avait pas encore acquis la gloire d'etre notre sauveur. On
ne voyait d'ailleurs en lui qu'un soldat. Jourdan venait d'etre vaincu.
Augereau etait un esprit turbulent, Bernadotte un esprit inquiet, et
aucun des deux n'avait assez de renommee. Il y avait un personnage
immense, qui reunissait toutes les gloires, qui a cent victoires avait
joint une belle paix, qui avait porte la France au comble de la grandeur
a Campo-Formio, et qui semblait en s'eloignant avoir emporte sa fortune,
c'etait Bonaparte; mais il etait dans les contrees lointaines; il
occupait de son nom les echos de l'Orient. Seul il etait reste
victorieux, et faisait retentir aux bords du Nil et du Jourdain les
foudres dont il avait naguere epouvante l'Europe sur l'Adige. Ce n'etait
pas assez de le trouver glorieux, on le voulait interessant; on le
disait exile par une autorite defiante et ombrageuse. Tandis qu'en
aventurier il cherchait une carriere grande comme son imagination, on
croyait que, citoyen soumis, il payait par des victoires l'exil qu'on
lui avait impose. "Ou est Bonaparte? se disait-on. Sa vie deja epuisee
se consume sous un ciel devorant. Ah! s'il etait parmi nous, la
republique ne serait pas menacee d'une ruine prochaine. L'Europe et les
factions la respecteraient egalement!" Des bruits confus circulaient sur
son compte. On disait quelquefois que la victoire, infidele a tous les
generaux francais, l'avait abandonne a son tour dans une expedition
lointaine. Mais on repoussait de tels bruits; il est invincible,
disait-on; loin d'avoir essuye des revers, il marche a la conquete de
tout l'Orient. On lui pretait des projets gigantesques. Les uns allaient
jusqu'a dire qu'il avait traverse la Syrie, franchi l'Euphrate et
l'Indus; les autres qu'il avait marche sur Constantinople, et qu'apres
avoir renverse l'empire ottoman, il allait prendre l'Europe a revers.
Les journaux etaient pleins de ces conjectures, qui prouvent ce que les
imaginations attendaient de ce jeune homme.
Le directoire lui avait mande l'ordre de revenir, et avait reuni dans
la Mediterran
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