endemain meme, la lettre fut ecrite
a Bernadotte. Celui-ci fut tout etonne, et repondit au directoire une
lettre tres-amere, dans laquelle il disait qu'on acceptait une demission
qu'il n'avait pas donnee, et demandait son traitement de reforme. La
nouvelle de cette destitution deguisee fut annoncee aux cinq-cents au
moment ou l'on allait voter sur le danger de la patrie. Elle excita
une grande rumeur. "On prepare des coups d'etat, s'ecrierent les
patriotes.--Jurons, dit Jourdan, de mourir sur nos chaises curules!--Ma
tete tombera, s'ecrie Augereau, avant qu'il soit porte atteinte a la
representation nationale." Enfin, apres un grand tumulte, on alla
aux voix. A une majorite de deux cent quarante-cinq contre cent
soixante-onze voix, la proposition de Jourdan fut rejetee, et la patrie
ne fut point declaree en danger.
Quand les deux directeurs Gohier et Moulins apprirent le renvoi de
Bernadotte, decide sans leur participation, ils se plaignirent a leurs
collegues, en disant qu'une pareille mesure ne devait pas etre prise
sans le concours des cinq directeurs. "Nous formions la majorite, reprit
Sieyes, et nous avions le droit de faire ce que nous avons fait."
Gohier et Moulins allerent sur-le-champ rendre une visite officielle a
Bernadotte, et ils eurent soin de le faire avec le plus grand eclat.
L'administration du departement de la Seine inspirait aussi quelque
defiance a la majorite directoriale, elle fut changee. Dubois de Crance
remplaca Bernadotte au ministere de la guerre.
La desorganisation etait donc complete sous tous les rapports: battue au
dehors par la coalition, presque bouleversee au dedans par les partis,
la republique semblait menacee d'une chute prochaine. Il fallait qu'une
force surgit quelque part, soit pour dompter les factions, soit pour
resister aux etrangers. Cette force, on ne pouvait plus l'esperer d'un
parti vainqueur, car ils etaient tous egalement uses et discredites;
elle ne pouvait naitre que du sein des armees, ou reside la force, et la
force silencieuse, reguliere, glorieuse comme elle convient a une nation
fatiguee de l'agitation des disputes et de la confusion des volontes. Au
milieu de cette grande dissolution, les regards erraient sur les hommes
illustres pendant la revolution, et semblaient chercher un chef. _Il ne
faut plus de bavards_, avait dit Sieyes, _il faut une tete et une epee_.
La tete etait trouvee, car il etait au directoire. On cherchait une
epee. Hoche etait mort; Joube
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