Ces nouvelles, arrivees coup sur coup a Paris, y produisirent l'effet
qu'on devait naturellement en attendre. Elles augmenterent la
fermentation des partis, et surtout le dechainement des patriotes, qui
demanderent, avec plus de chaleur que jamais, l'emploi des grands moyens
revolutionnaires. La liberte rendue aux journaux et aux clubs en avait
fait renaitre un grand nombre. Les restes du parti jacobin s'etaient
reunis dans l'ancienne salle du Manege, ou avaient siege nos premieres
assemblees. Quoique la loi defendit aux societes populaires de prendre
la forme d'assemblees deliberantes, la societe du Manege ne s'en
etait pas moins donne, sous des titres differens, un president, des
secretaires, etc. On y voyait figurer l'ex-ministre Bouchotte, Drouet,
Felix Lepelletier, Arena, tous disciples ou complices de Baboeuf. On y
invoquait les manes de Goujon, de Soubrany et des victimes de Grenelle.
On y demandait, en style de 93, la punition de toutes les sangsues
du peuple, le desarmement des royalistes, la levee en masse,
l'etablissement des manufactures d'armes dans les places publiques, et
la restitution des canons et des piques aux gardes nationales, etc. On y
demandait surtout la mise en accusation des anciens directeurs, auxquels
on attribuait les derniers desastres, comme etant les resultats de
leur administration. Quand la nouvelle de la bataille de Novi et des
evenemens de Hollande fut connue, la violence n'eut plus de bornes. Les
injures furent prodiguees aux generaux. Moreau fut traite de tatonneur;
Joubert lui-meme, malgre sa mort heroique, fut accuse d'avoir perdu
l'armee par sa lenteur a la rejoindre. Sa jeune epouse, MM. de
Semonville, Sainte-Foy, Talleyrand, auxquels on attribuait son mariage,
furent accables d'outrages. Le gouvernement hollandais fut accuse de
trahison; on dit qu'il etait compose d'aristocrates, de stathouderiens,
ennemis de la France et de la liberte. Le _Journal des hommes libres_,
organe du meme parti qui se reunissait a la salle du Manege, repetait
toutes ces declamations, et ajoutait au scandale des paroles celui de
l'impression.
Ce dechainement causait a beaucoup de gens une espece de terreur.
On craignait une nouvelle representation des scenes de 93. Ceux qui
s'appelaient les _moderes_, les _politiques_, et qui, a la suite de
Sieyes, avaient l'intention louable et la pretention hasardee de sauver
la France des fureurs des partis en la constituant une seconde fois,
s'indignaient du dec
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