comte.--Elle l'appelait toujours "le comte"
en parlant de lui.--C'est le nom de ton pere, qui vit encore.
Je le lui avais demande plus de cent fois ... plus de cent fois ... le
nom de mon pere ... plus de cent fois ... et elle avait toujours
refuse de le dire.... Je crois meme qu'un jour j'y ai flanque des
gifles pour la faire jaser, mais ca n'a servi de rien. Et puis, pour
se debarrasser de moi, elle m'a annonce que vous etiez mort sans le
sou, que vous etiez un pas grand chose, une erreur de sa jeunesse, une
gaffe de vierge, quoi. Elle me l'a si bien raconte que j'y ai coupe,
mais en plein, dans votre mort.
Donc elle me dit:
--C'est le nom de ton pere.
L'autre, qui etait assis dans un fauteuil, replique comme ca, trois
fois:
--Vous avez tort, vous avez tort, vous avez tort, Rosette.
Maman s'assied dans son lit. Je la vois encore avec ses pommettes
rouges et ses yeux brillants; car elle m'aimait bien tout de meme; et
elle lui dit:
--Alors faites quelque chose pour lui, Philippe!
En lui parlant, elle le nommait "Philippe" et moi "Auguste".
Il se mit a crier comme un forcene:
--Pour cette crapule-la, jamais, pour ce vaurien, ce repris de justice
ce ... ce ... ce...
Et il en trouva des noms pour moi, comme s'il n'avait cherche que ca
toute sa vie.
J'allais me facher, maman me fait taire, et elle lui dit:
--Vous voulez donc qu'il meure de faim, puisque je n'ai rien, moi.
Il repliqua, sans se troubler:
--Rosette, je vous ai donne trente-cinq mille francs par an, depuis
trente ans, cela fait plus d'un million. Vous avez vecu par moi en
femme riche, en femme aimee, j'ose dire, en femme heureuse. Je ne dois
rien a ce gueux qui a gate nos dernieres annees; et il n'aura rien de
moi. Il est inutile d'insister. Nommez-lui l'autre si vous voulez. Je
le regrette, mais je m'en lave les mains.
Alors, maman se tourne vers moi. Je me disais: "Bon ... v'la que je
retrouve mon vrai pere ... s'il a de la galette, je suis un homme
sauve..."
Elle continua:
--Ton pere, le baron de Vilbois, s'appelle aujourd'hui l'abbe
Vilbois, cure de Garandou, pres de Toulon. Il etait mon amant quand je
l'ai quitte pour celui-ci.
Et voila qu'elle me conte tout, sauf qu'elle vous a mis dedans aussi
au sujet de sa grossesse. Mais les femmes, voyez-vous, ca ne dit
jamais la verite.
Il ricanait, inconscient, laissant sortir librement toute sa fange. Il
but encore, et la face toujours hilare, continua:
--Maman m
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