s etres, les forets et les oceans, les hommes et les
betes, les couchers de soleil, les etoiles, les arts, tout, tout, il
voit, cueille et emporte tout; et il y a plus encore en lui, il y a
l'ame, il y a l'homme qui pense, l'homme qui aime, l'homme qui rit,
l'homme qui souffre! Oh! regardez les yeux bleus des femmes, ceux qui
sont profonds comme la mer, changeants comme le ciel, si doux, si
doux, doux comme les brises, doux comme la musique, doux comme des
baisers, et transparents, si clairs qu'on voit derriere, on voit
l'ame, l'ame bleue qui les colore, qui les anime, qui les divinise.
Oui, l'ame a la couleur du regard. L'ame bleue seule porte en elle du
reve, elle a pris son azur aux flots et a l'espace.
L'oeil! Songez a lui! L'oeil! Il boit la vie apparente pour en nourrir
la pensee. Il boit le monde, la couleur, le mouvement, les livres, les
tableaux, tout ce qui est beau et tout ce qui est laid, et il en fait
des idees. Et quand il nous regarde, il nous donne la sensation d'un
bonheur qui n'est point de cette terre. Il nous fait pressentir ce que
nous ignorerons toujours; il nous fait comprendre que les realites de
nos songes sont de meprisables ordures.
Je l'aime aussi pour sa demarche.
"Meme quand l'oiseau marche on sent qu'il a des ailes", a dit le
poete.
Quand elle passe on sent qu'elle est d'une autre race que les femmes
ordinaires, d'une race plus legere et plus divine.
Je l'epouse demain.... J'ai peur ... j'ai peur de tant de choses....
* * * * *
Deux betes, deux chiens, deux loups, deux renards, rodent par les bois
et se rencontrent. L'un est male, l'autre femelle. Ils s'accouplent.
Ils s'accouplent par un instinct bestial qui les force a continuer la
race, leur race, celle dont ils ont la forme, le poil, la taille, les
mouvements et les habitudes.
Toutes les betes en font autant, sans savoir pourquoi!
Nous aussi....
* * * * *
C'est cela que j'ai fait en l'epousant, j'ai obei a cet imbecile
emportement qui nous jette vers la femelle.
Elle est ma femme. Tant que je l'ai idealement desiree elle fut pour
moi le reve irrealisable pres de se realiser. A partir de la seconde
meme ou je l'ai tenue dans mes bras, elle ne fut plus que l'etre dont
la nature s'etait servie pour tromper toutes mes esperances.
Les a-t-elle trompees?--Non. Et pourtant je suis las d'elle, las a ne
pouvoir la toucher, l'effleurer de ma main ou de m
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