saient des
nacelles, tandis qu'un orchestre, compose des premiers executants du
monde, enivrait de poesie l'ame du fou royal.
Cet homme etait chaste, cet homme etait vierge. Il n'aima jamais qu'un
reve, son reve, son reve divin.
Un soir, il emmena dans sa barque une femme, jeune, belle, une grande
artiste et il la pria de chanter. Elle chanta, grisee elle-meme par
l'admirable paysage, par la douceur tiede de l'air, par le parfum des
fleurs et par l'extase de ce prince jeune et beau.
Elle chanta, comme chantent les femmes que touche l'amour, puis,
eperdue, fremissante, elle tomba sur le coeur du roi en cherchant ses
levres.
Mais il la jeta dans le lac, et prenant ses rames gagna la berge, sans
s'inquieter si on la sauvait.
Nous nous trouvons, messieurs les juges, devant un cas tout a fait
semblable. Je ne ferai plus que lire maintenant des passages du
journal que nous avons surpris dans un tiroir du secretaire.
* * * * *
Comme tout est triste et laid, toujours pareil, toujours odieux. Comme
je reve une terre plus belle, plus noble, plus variee. Comme elle
serait pauvre l'imagination de leur Dieu, si leur Dieu existait ou
s'il n'avait pas cree d'autres choses, ailleurs.
Toujours des bois, de petits bois, des fleuves qui ressemblent aux
fleuves, des plaines qui ressemblent aux plaines, tout est pareil et
monotone. Et l'homme!..... L'homme?.....Quel horrible animal, mechant,
orgueilleux et repugnant.
* * * * *
Il faudrait aimer, aimer eperdument, sans voir ce qu'on aime. Car voir
c'est comprendre, et comprendre c'est mepriser. Il faudrait aimer, en
s'enivrant d'elle comme on se grise de vin, de facon a ne plus savoir
ce qu'on boit. Et boire, boire, boire, sans reprendre haleine, jour et
nuit!
* * * * *
J'ai trouve, je crois. Elle a dans toute sa personne quelque chose
d'ideal qui ne semble point de ce monde et qui donne des ailes a mon
reve. Ah! mon reve, comme il me montre les etres differents de ce
qu'ils sont. Elle est blonde, d'un blond leger avec des cheveux qui
ont des nuances inexprimables. Ses yeux sont bleus! Seuls les yeux
bleus emportent mon ame. Toute la femme, la femme qui existe au fond
de mon coeur, m'apparait dans l'oeil, rien que dans l'oeil.
Oh! mystere! Quel mystere? L'oeil?... Tout l'univers est en lui,
puisqu'il le voit, puisqu'il le reflete. Il contient l'univers, les
choses et le
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