ge et la corolle s'y cache, bouche mysterieuse,
attirante, sucree sous la langue, montrant et derobant les organes
delicats, admirables et sacres de ces divines petites creatures qui
sentent bon et ne parlent pas.
J'ai parfois pour une d'elles une passion qui dure autant que son
existence, quelques jours, quelques soirs. On l'enleve alors de la
galerie commune et on l'enferme dans un mignon cabinet de verre ou
murmure un fil d'eau contre un lit de gazon tropical venu des iles du
grand Pacifique. Et je reste pres d'elle, ardent, fievreux et
tourmente, sachant sa mort si proche, et la regardant se faner, tandis
que je la possede, que j'aspire, que je bois, que je cueille sa courte
vie d'une inexprimable caresse.
* * * * *
Lorsqu'il eut termine la lecture de ces fragments, l'avocat reprit:
"La decence, messieurs les juges, m'empeche de continuer a vous
communiquer les singuliers aveux de ce fou honteusement idealiste. Les
quelques fragments que je viens de vous soumettre vous suffiront, je
crois, pour apprecier ce cas de maladie mentale, moins rare qu'on ne
croit dans notre epoque de demence hysterique et de decadence
corrompue.
"Je pense donc que ma cliente est plus autorisee qu'aucune autre femme
a reclamer le divorce, dans la situation exceptionnelle ou la place
l'etrange egarement des sens de son mari.
QUI SAIT?
I
Mon Dieu! Mon Dieu! Je vais donc ecrire enfin ce qui m'est arrive!
Mais le pourrai-je? l'oserai-je? cela est si bizarre, si inexplicable,
si incomprehensible, si fou!
Si je n'etais sur de ce que j'ai vu, sur qu'il n'y a eu, dans mes
raisonnements aucune defaillance, aucune erreur dans mes
constatations, pas de lacune dans la suite inflexible de mes
observations, je me croirais un simple hallucine, le jouet d'une
etrange vision. Apres tout, qui sait?
Je suis aujourd'hui dans une maison de sante; mais j'y suis entre
volontairement, par prudence, par peur! Un seul etre connait mon
histoire. Le medecin d'ici. Je vais l'ecrire. Je ne sais trop
pourquoi? Pour m'en debarrasser, car je la sens en moi comme un
intolerable cauchemar.
La voici:
J'ai toujours ete un solitaire, un reveur, une sorte de philosophe
isole, bienveillant, content de peu, sans aigreur contre les hommes et
sans rancune contre le ciel. J'ai vecu seul, sans cesse, par suite
d'une sorte de gene qu'insinue en moi la presence des autres. Comment
expliquer cela? Je ne le pourrai
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