e heure quand j'entendis des pas,
des pas legers, lents, je ne sais ou. Je faillis me sauver; mais, me
raidissant, j'appelai de nouveau, et, j'apercus une lueur dans la
chambre voisine.
--Qui est la? dit une voix.
Je repondis:
--Un acheteur.
On repliqua:
--Il est bien tard pour entrer ainsi dans les boutiques.
Je repris:
--Je vous attends depuis plus d'une heure.
--Vous pouviez revenir demain.
--Demain, j'aurai quitte Rouen;
Je n'osais point avancer, et il ne venait pas. Je voyais toujours la
lueur de sa lumiere eclairant une tapisserie ou deux anges volaient
au-dessus des morts d'un champ de bataille. Elle m'appartenait aussi.
Je dis:
--Eh bien! Venez-vous?
Il repondit:
--Je vous attends.
Je me levai et j'allai vers lui.
Au milieu d'une grande piece etait un tout petit homme, tout petit et
tres gros, gros comme un phenomene, un hideux phenomene.
Il avait une barbe rare, aux poils inegaux, clairsemes et jaunatres,
et pas un cheveu sur la tete! Pas un cheveu? Comme il tenait sa
bougie elevee a bout de bras pour m'apercevoir, son crane m'apparut
comme une petite lune dans cette vaste chambre encombree de vieux
meubles. La figure etait ridee et bouffie, les yeux imperceptibles.
Je marchandai trois chaises qui etaient a moi, et les payai
sur-le-champ une grosse somme, en donnant simplement le numero de mon
appartement a l'hotel. Elles devaient etre livrees le lendemain avant
neuf heures.
Puis je sortis. Il me reconduisit jusqu'a sa porte avec beaucoup de
politesse.
Je me rendis ensuite chez le commissaire central de la police, a qui
je racontai le vol de mon mobilier et la decouverte que je venais de
faire.
Il demanda seance tenante des renseignements par telegraphe au parquet
qui avait instruit l'affaire de ce vol, en me priant d'attendre la
reponse. Une heure plus tard, elle lui parvint tout a fait
satisfaisante pour moi.
--Je vais faire arreter cet homme et l'interroger tout de suite, me
dit-il, car il pourrait avoir concu quelque soupcon et faire
disparaitre ce qui vous appartient. Voulez-vous aller diner et revenir
dans deux heures, je l'aurai ici et je lui ferai subir un nouvel
interrogatoire devant vous.
--Tres volontiers, monsieur. Je vous remercie de tout mon coeur.
J'allai diner a mon hotel, et je mangeai mieux que je n'aurais cru.
J'etais assez content tout de meme. On le tenait.
Deux heures plus tard, je retournai chez le fonctionnaire de la police
qui
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