uraient sur ces
voisins, laissant entendre de vilaines choses, sans preciser. Bondel
haussait les epaules, ricanait, exasperait sa femme. Elle finit par
crier:
--Eh bien! ce monsieur est cornard, voila!
Le mari repondit sans s'emouvoir:
--Je ne vois pas en quoi cela atteint l'honorabilite d'un homme?
Elle parut stupefaite.
--Comment, tu ne vois pas?... tu ne vois pas?... elle est trop forte,
en verite ... tu ne vois pas? Mais c'est un scandale public; il est
tare a force d'etre cornard!
Il repondit:
--Ah! mais non! Un homme serait tare parce qu'on le trompe, tare parce
qu'on le trahit, tare parce qu'on le vole?... Ah! mais non. Je te
l'accorde pour la femme, mais pas pour lui.
Elle devenait furieuse.
--Pour lui comme pour elle. Ils sont tares, c'est une honte publique.
Bondel, tres calme, demanda:
--D'abord, est-ce vrai? Qui peut affirmer une chose pareille tant
qu'il n'y a pas flagrant delit.
Mme Bondel s'agitait sur son siege.
--Comment? qui peut affirmer? mais tout le monde! tout le monde! ca se
voit comme les yeux dans le visage, une chose pareille. Tout le monde
le sait, tout le monde le dit. Il n'y a pas a douter. C'est notoire
comme une grande fete.
Il ricanait.
--On a cru longtemps aussi que le soleil tournait autour de la terre
et mille autres choses non moins notoires, qui etaient fausses. Cet
homme adore sa femme; il en parle avec tendresse, avec veneration. Ca
n'est pas vrai.
Elle balbutia, trepignant:
--Avec ca qu'il le sait, cet imbecile, ce cretin, ce tare!
Bondel ne se fachait pas; il raisonnait.
--Pardon. Ce monsieur n'est pas bete. Il m'a paru au contraire fort
intelligent et tres fin; et tu ne me feras pas croire qu'un homme
d'esprit ne s'apercoive pas d'une chose pareille dans sa maison, quand
les voisins, qui n'y sont pas, dans sa maison, n'ignorent aucun detail
de cet adultere, car ils n'ignorent aucun detail, assurement.
Mme Bondel eut un acces de gaiete rageuse qui irrita les nerfs de son
mari.
--Ah! ah! ah! tous les memes, tous, tous! Avec ca qu'il y en a un seul
au monde qui decouvre cela, a moins qu'on ne lui mette le nez dessus.
La discussion deviait. Elle partit a fond de train sur l'aveuglement
des epoux trompes dont il doutait et qu'elle affirmait avec des airs
de mepris si personnels qu'il finit par se facher.
Alors, ce fut une querelle pleine d'emportement, ou elle prit le parti
des femmes, ou il prit la defense des hommes.
Il eut
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