ien fort! bien fort? Est-ce que?...
Mais non.... mais non.... Et Bondel se declara qu'il s'avilissait
lui-meme en songeant a des choses pareilles.
Oui, il s'avilissait sans aucun doute, mais il ne pouvait s'empecher
de songer a cela et il se demanda avec terreur si cette idee entree en
lui n'allait pas y demeurer, s'il n'avait pas la, dans le coeur, la
larve d'un long tourment. Il se connaissait; il etait homme a ruminer
son doute, comme il ruminait autrefois ses operations commerciales,
pendant les jours et les nuits, en pesant le pour et le contre,
interminablement.
Deja il devenait agite, il marchait plus vite et perdait son calme. On
ne peut rien contre l'Idee. Elle est imprenable, impossible a chasser,
impossible a tuer.
Et soudain un projet naquit en lui, hardi, si hardi qu'il douta
d'abord s'il l'executerait.
Chaque fois qu'il rencontrait Tancret, celui-ci demandait des
nouvelles de Mme Bondel; et Bondel repondait: "Elle est toujours un
peu fachee." Rien de plus,--Dieu ... avait-il ete assez mari
lui-meme!... Peut-etre!...
Donc il allait prendre le train pour Paris, se rendre chez Tancret et
le ramener avec lui, ce soir-la meme, en lui affirmant que la rancune
inconnue de sa femme etait passee. Oui, mais quelle tete ferait Mme
Bondel ... quelle scene!... quelle fureur!... quel scandale!... Tant
pis, tant pis ... ce serait la vengeance du rire, et, en las voyant
soudain en face l'un de l'autre, sans qu'elle fut prevenue, il saurait
bien saisir sur les figures l'emotion de la verite.
III
Il se rendit aussitot a la gare, prit son billet, monta dans un wagon
et lorsqu'il se sentit emporte par le train qui descendait la rampe du
Pecq, il eut un peu peur, une sorte de vertige devant ce qu'il allait
oser. Pour ne pas flechir, reculer, revenir seul, il s'efforca de n'y
plus penser, de se distraire sur d'autres idees, de faire ce qu'il
avait decide avec une resolution aveugle, et il se mit a chantonner
des airs d'operette et de cafe-concert jusqu'a Paris afin d'etourdir
sa pensee.
Des envies de s'arreter le saisirent aussitot qu'il eut devant lui les
trottoirs qui allaient le conduire a la rue de Tancret. Il flana
devant quelques boutiques, remarqua les prix de certains objets,
s'interessa a des articles nouveaux, eut envie de boire un bock, ce
qui n'etait guere dans ses habitudes, et en approchant du logis de son
ami, desira fort ne point le rencontrer.
Mais Tancret etait chez lui, seul, lis
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