bien simple. J'ai fait quelques fredaines vers
seize ans; alors ces gouapes-la m'ont mis dans une maison de
correction, pour se debarrasser de moi.
Il posa ses coudes sur la table, appuya ses deux joues sur ses deux
mains et, tout a fait ivre, l'esprit chavire dans le vin, il fut saisi
tout a coup par une de ces irresistibles envies de parler de soi qui
font divaguer les pochards en de fantastiques vantardises.
Et il souriait gentiment, avec une grace feminine sur les levres, une
grace perverse que le pretre reconnut. Non seulement il la reconnut,
mais il la sentit, haie et caressante, cette grace qui l'avait conquis
et perdu jadis. C'etait a sa mere que l'enfant, a present,
ressemblait le plus, non par les traits du visage, mais par le regard
captivant et faux et surtout par la seduction du sourire menteur qui
semblait ouvrir la porte de la bouche a toutes les infamies du dedans.
Philippe-Auguste raconta:
--Ah! ah! ah! J'en ai eu une vie, moi, depuis la maison de correction,
une drole de vie qu'un grand romancier payerait cher. Vrai, le pere
Dumas, avec son _Monte-Cristo_, n'en a pas trouve de plus cocasses que
celles qui me sont arrivees.
Il se tut, avec une gravite philosophique d'homme gris qui reflechit,
puis, lentement:
--Quand on veut qu'un garcon tourne bien, on ne devrait jamais
l'envoyer dans une maison de correction, a cause des connaissances de
la-dedans, quoi qu'il ait fait. J'en avais fait une bonne, moi, mais
elle a mal tourne. Comme je me balladais avec trois camarades, un peu
emeches tous les quatre, un soir, vers neuf heures, sur la
grand'route, aupres du gue de Folac, voila que je rencontre une
voiture ou tout le monde dormait, le conducteur et sa famille,
c'etaient des gens de Martinon qui revenaient de diner a la ville. Je
prends le cheval par la bride, je le fais monter dans le bac du
passeur et je pousse le bac au milieu de la riviere. Ca fait du bruit,
le bourgeois qui conduisait se reveille, il ne voit rien, il fouette.
Le cheval part et saute dans le bouillon avec la voiture. Tous noyes!
Les camarades m'ont denonce. Ils avaient bien ri d'abord en me voyant
faire ma farce. Vrai, nous n'avions pas pense que ca tournerait si
mal. Nous esperions seulement un bain, histoire de rire.
Depuis ca, j'en ai fait de plus raides pour me venger de la premiere,
qui ne meritait pas la correction, sur ma parole. Mais ce n'est pas la
peine de les raconter. Je vais vous dire seulement la derniere,
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