vieillards... Le prince etait beau, elegant, spirituel et il etait
follement epris... La princesse l'aima. Pouvait-il en etre autrement? Et
ne devait-il pas etre son epoux?... La fatalite voulut que le roi, veuf
depuis peu de Marie Tudor, vit a ce moment la fiancee de son fils...
--Et il en devint amoureux... c'est dans l'ordre.
--Malheureusement oui, reprit Cervantes. Des l'instant ou il sentit la
passion gronder en lui, planant au-dessus des sentiments et des lois qui
regissent le vulgaire, le roi, avec une superbe impudence, reclama pour
lui celle qu'il avait destinee a son fils... La princesse aimait don
Carlos... Mais c'etait une enfant... et Catherine de Medicis etait sa
mere... Elle refoula ses sentiments et ceda sans trop de difficultes.
Mais le prince supplia, pleura, cria, menaca... Il parla de son amour en
termes qui eussent attendri tout autre que son rival, car c'etaient deux
rivaux qui, maintenant, se trouvaient aux prises, et, glorieusement,
comme un argument decisif, il confia a son pere que son amour etait
partage. Inspiration qui devait lui etre fatale... Dans son orgueil
prodigieux, le roi n'avait meme pas ete effleure par cette pensee que
son fils pouvait lui etre prefere. La naive confidence de l'infant, en
le frappant brutalement dans son orgueil, vint dechainer en lui toutes
les fureurs d'une sombre jalousie qui se changea en haine implacable...
Il y eut alors entre les deux rivaux des scenes terribles, dont
le secret est jalousement garde par les grands arbres des jardins
d'Aranjuez, qui en furent, seuls, les temoins muets... Et la princesse
Elisabeth devint la reine Isabelle, comme nous disons ici... mais le
pere et le fils resterent a jamais deux ennemis.
Cervantes s'arreta un moment, vida d'un trait la coupe que Pardaillan
venait de remplir, et reprit:
--L'infant don Carlos fut mysterieusement ecarte des affaires du
gouvernement et de la cour. Il etait preferable, d'ailleurs, qu'il en
fut ainsi, car, chaque fois que le roi et l'infant se trouvaient face
a face, c'etait, de part et d'autre, le meme regard sanglant ou se
lisaient des pensees de meurtre, le meme dechainement de passions
furieuses qui menacait de les precipiter l'un contre l'autre, la dague
au poing. Et les choses marcherent ainsi durant des mois, durant
des annees, lorsqu'un jour, comme un coup de tonnerre, eclata cette
nouvelle: l'infant est arrete, juge, condamne a mort...
--Il y eut reellement jugement?
--Oui! Tro
|