de Pardaillan... Comment etes-vous parvenu jusqu'ici?
--Par la porte, cher monsieur, fit Pardaillan avec son sourire le plus
ingenu. Vous aviez oublie de la fermer a clef... cela m'a evite la peine
de l'enfoncer.
--Enfoncer la porte, mon Dieu! et pourquoi?
--Je vais vous le dire, et, en meme temps, je vous expliquerai par quel
hasard j'ai ete amene a m'immiscer dans votre entretien avec madame.
--Je vous ecouterai avec interet, monsieur, fit Espinosa.
Et, comme les deux moines, soit par lassitude reelle soit sur un signe
du grand inquisiteur, esquissaient un mouvement:
--Monsieur, dit paisiblement Pardaillan a Espinosa, ordonnez a ces
dignes moines de se tenir tranquilles... J'ai horreur du mouvement
autour de moi.
Espinosa fit un geste imperieux. Les religieux s'immobiliserent.
--C'est parfait, dit Pardaillan. Ne bougez plus maintenant, sans quoi je
serais force de me remuer aussi...
Et, se tournant vers Fausta et Espinosa, qui, debout devant lui,
attendaient:
--Ce qui m'arrive, monsieur, est tres simple: lorsque j'eus ramene pres
du roi ce geant a barbe rousse de qui la cour avait voulu se gausser, et
que j'ai du proteger, je sortis, ainsi que vous l'avez pu voir. Mais vos
diablesses de portes sont si pareilles que je me trompai. Je m'apercus
bientot que j'etais perdu dans un interminable couloir: pestant fort
contre ma maladresse, j'errais de couloir en couloir, lorsque, passant
devant une porte, je reconnus la voix de madame... J'ai le defaut d'etre
curieux. Je m'arretai donc et j'entendis la fin de votre interessante
conversation.
Et, s'inclinant avec grace devant Fausta:
--Madame, fit-il gravement, si j'avais pu penser qu'on se servirait
de mes paroles pour vous tendre un traquenard et vous extorquer ce
parchemin auquel vous tenez, je me fusse coupe la langue plutot que de
parler. Je me devais a moi-meme de reparer le mal que j'ai fait sans le
vouloir, et c'est pourquoi je suis intervenu...
Tandis que Pardaillan, dans une attitude un peu theatrale qui lui seyait
a merveille, l'oeil doux, la figure rayonnante de generosite, parlait
avec sa male franchise, Espinosa songeait:
"Cet homme est une force de la nature. Nous serons invincibles s'il
consent a etre a nous. Pour se l'attacher, il faut se montrer plus
chevaleresque que lui. Si ce moyen ne reussit pas, il n'y aura qu'a
renoncer... et se debarrasser de lui au plus tot."
Fausta avait accueilli les paroles de Pardaillan avec cette
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