vant les
pointes acerees de plusieurs rapieres menacant sa poitrine.
Il contempla, une seconde le couple, adorable de charme et de jeunesse,
et, de cet air bourru qu'il avait dans ses moments d'emotion douce:
--Mordieu! monsieur, il s'agit bien de mourir! Il faut vivre pour cette
adorable enfant... En attendant asseyez-vous la, tous les deux, et, en
buvant du vin de mon pays, nous chercherons ensemble le moyen de vous
soustraire aux dangers qui vous menacent.
XII
L'AMBASSADEUR DU ROI HENRI
Une des pieces annexes du salon des Ambassadeurs dans l'Alcazar de
Seville est est vaste, lambrissee, plafonnee de bois d'essences rares,
bizarrement sculptes dans ce fantastique style arabe. Sommairement
meublee: larges fauteuils, enormes bahuts, une grande table de travail,
surchargee de paperasses.
De petites fenetres cintrees donnent sur ces fameux jardins, celebres
dans le monde entier.
Le roi Philippe II est assis devant une de ces fenetres, et son oeil
froid erre distraitement sur les splendeurs d'une nature luxuriante,
corrigee, embellie et garrottee par un art intelligent, mais trop
raffine.
Le grand inquisiteur est debout pres de lui.
Plus loin, appuye au chambranle d'une autre fenetre, un colosse se tient
immobile. Un nez long et busque, des yeux sombres, sans expression,
c'est tout ce qui emerge d'une foret de cheveux crepus, retombant sur le
front, jusque sur les sourcils epais et broussailleux, et d'une barbe
neptunienne, envahissant tout le bas du visage jusqu'aux pommettes, le
tout d'un roux ardent.
Ce colosse, don Iago de Almaran, plus communement appele a la cour Barba
Roja, ou, en francais, Barbe Rousse, c'etait le dogue de Philippe II.
La ou se trouvait le roi, aux fetes, aux ceremonies religieuses, aux
executions, au conseil, on voyait Barba Roja, immobile, muet, les yeux
fixes sur son maitre, ne comprenant que sur son ordre expres.
C'etait une brute magnifique, qui faisait partie, en quelque sorte, des
accessoires qui entouraient la personne du roi. Mais, sur un signe, sur
un regard du maitre, la brute devenait d'une intelligence remarquable
pour executer l'ordre secret saisi au vol.
Le roi, dans son costume opulent et severe, avec cet air sombre et
glacial qui lui etait habituel, ecoutait attentivement les explications
d'Espinosa.
--La princesse Fausta, disait le grand inquisiteur, est la meme qui a
reve de renouer la tradition de la papesse Jeanne. C'est la meme qui a
fait t
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