rancais. Eprouvez-vous la meme
repugnance pour la corrida?
--Ah! pour cela, non! fit Pardaillan sans sourciller. J'avoue meme que
je ne serais pas fache de voir une de ces fameuses courses. On m'a parle
d'un toreador fameux en Andalousie, ajouta-t-il en fixant le roi.
--El Torero? fit le roi paisiblement. Vous le verrez... Vous etes
invite a la corrida d'apres-demain lundi. Vous verrez la un spectacle
extraordinaire, qui vous etonnera, j'en suis sur, reprit Philippe avec
cette intonation etrange qui fit dresser l'oreille a Pardaillan, comme
elle avait frappe Fausta l'instant d'avant.
--Je remercie Votre Majeste de l'honneur qu'elle veut bien me faire, et
je ne manquerai pas d'assister a un aussi curieux spectacle.
--Allez, monsieur l'ambassadeur, je vous ferai connaitre ma reponse a la
demande de S. M. Henri de Navarre... Et n'oubliez pas la corrida, lundi.
--Ouais! songeait Pardaillan en s'inclinant, serait-ce quelque
traquenard a mon intention?... Mortdiable! il ne sera pas dit que ce
sinistre despote m'aura fait reculer! Je n'aurai garde-d'oublier, sire!
dit-il, se redressant. Et en lui-meme: Pas plus que tu n'oublieras les
quelques verites dont je t'ai gratifie.
Et, d'un pas ferme, il se dirigea vers l'antichambre.
Derriere lui, sur un signe imperieux de Philippe II, Barba Roja se mit
en marche. En passant pres de son maitre, il s'arreta une seconde:
--Corrige-le, ridiculise-le devant tout le monde... mais ne le tue pas,
murmura le roi.
Et le molosse sortit derriere Pardaillan en marmonnant:
"Diantre soit de la fantaisie du roi! C'etait si facile de le prendre
par le cou et de l'etrangler comme un poulet... ou bien encore quelque
bon coup de dague ou d'epee et la besogne se trouvait proprement
expediee..."
Barba Roja sorti, le roi se leva, vint se placer derriere une lourde
portiere de brocart, poussa legerement la porte et, de la, se mit a
surveiller attentivement ce qui allait se passer.
Pardaillan ne paraissait pas se douter qu'une ombre le suivait pas a
pas. L'antichambre, dans laquelle il venait de penetrer, etait une vaste
salle nue, garnie simplement d'immenses banquettes courant le long des
murs. Elle etait encombree de courtisans, gentilshommes de service,
officiers de garde, laquais chamarres, affaires et presses, huissiers
immobiles, la baguette d'ebene a la main. Parmi les courtisans, les uns
etaient assis sur les banquettes, d'autres se promenaient a petits pas,
d'autres encore
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