coup d'oeil qui eut donne fort a reflechir a Barba Roja s'il avait pu le
saisir au passage.
Mais Barba Roja ne vit rien. Il cherchait toujours comment s'y prendre
pour ridiculiser le chevalier...
Pardaillan eut un regard circulaire, et, en lui-meme:
"Par Pilate, je crois que ces laquais titres se moquent de moi! Souriez,
nobles cuistres, souriez... Tout a l'heure vos sourires se changeront en
grimaces, et c'est moi qui rirai," pensa-t-il ironiquement.
Et, toujours imperturbable, il reprit sa promenade qui, soit hasard,
soit intention, l'amena pres des trois ordinaires de Fausta. Alors
Montsery, Chalabre, Sainte-Maline s'avancerent, saluerent fort galamment
le chevalier qui rendit le salut de son air le plus gracieux et, avec
des sourires aimables, mais a voix basse, ils echangerent rapidement ces
quelques phrases:
--Monsieur de Pardaillan, dit Sainte-Maline, vous savez sans doute que
nous avons mission de vous occire, ce que nous ferons, des que nous le
pourrons.
--Avec bien du regret cependant, dit Montsery avec sincerite.
--Car nous vous tenons en singuliere estime, ajouta Chalabre, avec une
reverence impeccable.
Pardaillan se contenta de saluer de nouveau en souriant:
--Mais, reprit Sainte-Maline, il nous parait qu'on cherche a vous faire
jouer ici un role... ridicule.
--Dites toujours votre pensee, messieurs, dit poliment Pardaillan.
--Eh bien, monsieur, dit Montsery, qui etait toujours le plus fougueux
des trois, la pensee de laisser berner un compatriote devant nous, sans
protester, nous est insupportable.
--Surtout lorsque ce compatriote est un galant homme comme vous,
monsieur, ajouta Sainte-Maline.
--Alors? Qu'avez-vous resolu, messieurs? dit Pardaillan qui se raidit
comme il faisait toujours dans ses moments d'emotion.
--Vivedieu! monsieur, dit Chalabre, nous avons resolu d'infliger a ces
mangeurs d'oignons crus la lecon que merite leur outrecuidance.
--Nous serons fort honores, monsieur, de tirer l'epee a vos cotes, dit
Sainte-Maline, en saluant galamment.
--Tout l'honneur serait pour moi, messieurs, fit Pardaillan, en rendant
le salut.
--Quitte a reprendre notre liberte d'action apres, et a vous charger
quand l'occasion se presentera, ajouta Montsery.
Pardaillan approuva gravement de la tete et les contempla un instant
avec une expression d'indicible melancolie. Enfin, tres gravement:
--Messieurs, dit-il, vous etes de braves gentilshommes. Ce que vous
faites, et don
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