flechirait sous le poids de la triple couronne?
Elle etait rayonnante d'audace et de foi ardente.
--Madame, dit gravement Philippe, j'avoue que les feux d'une couronne
royale paliraient sous l'eclatante blancheur de ce front si pur... Mais
une tiare!.. excusez-moi, madame, il me semble que d'aussi jolies levres
ne peuvent etre faites pour d'aussi graves propos.
Cette fois, Fausta se sentit touchee. Le coup etait rude; mais elle
n'etait pas femme a renoncer.
Elle reprit avec force:
--Si je suis l'Elue de Dieu pour le gouvernement des ames, vous l'etes,
vous, pour le gouvernement des peuples. Ce reve de monarchie universelle
qui a hante tant de cerveaux puissants, vous etes designe pour le
realiser... avec l'aide du chef de la Chretiente, representant de Dieu.
Je parle d'un pape qui vous soutiendra en tout et pour tout parce qu'il
aura l'independance necessaire, parce qu'il aura besoin de s'appuyer sur
vous comme vous aurez besoin de son assistance morale. Et, pour qu'il en
soit ainsi, que faut-il? Que les Etats de ce pape soient suffisants
pour lui permettre de tenir dignement son rang de souverain pontife.
Donnez-lui l'Italie, il vous donnera le monde chretien. Vous pouvez etre
ce maitre du monde... je puis etre ce pape...
Philippe avait ecoute avec une attention soutenue sans rien manifester
de ses impressions.
--Mais, madame, dit-il, l'Italie ne m'appartient pas. Ce serait une
conquete a faire.
Fausta sourit.
--Je ne suis pas aussi dechue qu'on le croit, dit-elle. J'ai des
partisans nombreux et decides, un peu partout. J'ai de l'argent. Ce
n'est pas une aide pour une conquete que je demande. Ce que je demande,
c'est votre neutralite dans ma lutte contre le pape.
Le roi paraissait reflechir profondement, et, d'un air reveur, il
murmura:
--Il faudrait des millions pour cette entreprise. Nos coffres sont
vides.
--Que Votre Majeste dise un mot, et, avant huit jours, j'aurai fait
entrer dans ses coffres cent millions, plus si c'est necessaire,
dit-elle avec dedain.
Philippe la fixa une seconde, et, hochant la tete:
--Je vois ce que vous me demandez et que je ne saurais vous donner,
puisqu'il ne m'appartient pas... Je vois mal ce que vous pourriez me
donner en echange.
--J'apporte a Votre Majeste la couronne de France... Il me semble que
cela compenserait largement l'abandon du Milanais.
--Eh! madame, si je la veux, cette couronne de France, il me faudra la
conquerir. Et, si je la prend
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