a meme! s'ecria-t-il. J'aspire a un amour sublime,
je n'en eprouve qu'un miserable. Je voudrais embrasser l'ideal, et je
n'etreins que la realite.
--En d'autres termes, repris-je en essayant d'adoucir par un ton
caressant ce que mes paroles pouvaient avoir de severe, vous voudriez
l'aimer plus que vous-meme, et vous ne pouvez pas meme l'aimer autant."
Il trouva que je traitais sa douleur un peu plus cavalierement qu'il ne
l'eut souhaite; mais tout ce qu'il me dit pour modifier une opinion qui
ne lui semblait pas a la hauteur de sa souffrance, ne servit qu'a m'y
confirmer. Marthe rentra, et Horace, oblige de sortir a son tour, me
laissa avec elle. Ce que je voyais de leur interieur ne m'inspirait
guere l'espoir de leur etre utile. Pourtant je ne voulais pas les
quitter sans m'etre bien assure que je ne pouvais rien pour adoucir leur
infortune.
Je trouvais Marthe aussi peu disposee a me laisser penetrer dans son
coeur, qu'Horace avait ete prompt a m'ouvrir le sien. Je devais m'y
attendre: elle etait l'offensee, elle avait de justes sujets de plainte
contre lui, et une noble generosite la condamnait au silence. Pour
vaincre ses scrupules, je lui dis qu'Horace s'etait accuse devant moi,
et m'avait confesse tous ses torts: c'etait la verite. Horace ne s'etait
pas epargne; il m'avait devoile ses fautes, tout en se defendant de la
cause egoiste que je leur assignais. Mais cet encouragement ne changea
rien aux resolutions que Marthe semblait avoir prises; je remarquai en
elle une sorte de courage sombre et de desespoir morne que je n'aurais
pas cru conciliables avec l'enthousiaste mobilite et la sensibilite
expansive que je lui connaissais. Elle excusa Horace, me dit que la
faute etait toute a la societe, dont l'opinion implacable fletrit a
jamais la femme tombee, et lui defend de se relever en inspirant un
veritable amour. Elle refusa de s'expliquer sur son avenir, me parla
vaguement de religion et de resignation. Elle refusa egalement l'offre
que je lui fis de lui amener Eugenie, en disant que ce rapprochement
serait bientot brise par les memes causes qui avaient amene la desunion;
et tout en protestant de son affection profonde pour mon amie, elle
me conjura de ne point lui parler d'elle. La seule idee qui me parut
arretee dans son cerveau, parce qu'elle y revint a plusieurs reprises,
fut celle d'un devoir qu'elle avait a remplir, devoir mysterieux, et
dont elle ne determina point la nature.
En examinant avec attenti
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