ais. Je quitte
Paris; j'irai peut-etre dans mon pays. Je n'ai besoin de rien, je ne
vous reproche rien. Ne gardez pas de moi un souvenir amer. Je pars en
appellant sur vous la benediction du ciel."
Celle lettre n'annoncait pas des projets sinistres; cependant elle etait
loin de nous rassurer. Moi surtout, j'avais trouve naguere chez Marthe
tous les symptomes d'un desespoir sans ressource, et cette farouche
energie qui conduit aux partis extremes.
"Il faut, dis-je a Horace, faire encore un grand effort sur vous-meme,
et nous raconter textuellement ce qui s'est passe entre vous depuis
quinze jours; d'apres cela, nous jugerons de l'importance que nous
devons laisser a nos craintes. Peut-etre les votres sont exagerees. Il
est impossible que vous ayez eu envers Marthe des procedes assez cruels
pour la pousser a un acte de folie. C'est un esprit religieux, c'est
peut-etre un caractere plus fort que vous ne le pensez. Parlez, Horace;
nous vous plaignons trop pour songer a vous blamer, quelque chose que
vous ayez a nous dire.
--Me confesser devant lui? repondit Horace en regardant Arsene. C'est
un rude chatiment; mais je l'ai merite, et je l'accepte. Je savais bien
qu'il l'aimait, lui, et que son amour etait plus digne d'elle que le
mien. Mon orgueil souffrait de l'idee qu'un autre que moi pouvait lui
donner le bonheur que je lui deniais; et je crois que, dans mes acces de
delire, je l'aurais tuee plutot que de la voir sauvee par lui!
--Que Dieu vous pardonne! dit Arsene; mais avouez jusqu'au bout.
Pourquoi la rendiez vous si malheureuse? Est-ce a cause de moi? Vous
savez bien qu'elle ne m'aimait pas!
--Oui, je le savais! dit Horace avec un retour d'orgueil et de triomphe
egoiste; mais aussitot ses yeux s'humecterent et sa voix se troubla.
Je le savais, continua-t-il, mais je ne voulais seulement pas qu'elle
t'estimat, noble Arsene! C'etait pour moi une injure sanglante que la
comparaison qu'elle pouvait faire entre nous deux au fond de son coeur.
Vous voyez bien, mes amis, que, dans ma vanite, il y avait des remords
et de la honte.
--Mais enfin, reprit Arsene, elle ne me regrettait pas assez, elle ne
pensait pas assez a moi, pour qu'il lui en coutat beaucoup de m'oublier
tout a fait?
--Elle vous a longtemps defendu, repondit Horace avec une energie qui me
portait a la fureur. Et puis tout a coup elle ne m'a plus parle de
vous, elle s'y est resignee avec un calme qui semblait me braver et
me mepriser interieurem
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