lgue lisse et pour regard un disque en cristal de roche. Elles se
penchaient vers eux, elles leur offraient des bonbons; parfois le flot
s'entr'ouvrait devant une nouvelle nereide qui, tardive, souriante et
confuse, venait de s'epanouir du fond de l'ombre; puis l'acte fini,
n'esperant plus entendre les rumeurs melodieuses de la terre qui les
avaient attirees a la surface, plongeant toutes a la fois, les diverses
soeurs disparaissaient dans la nuit. Mais de toutes ces retraites au
seuil desquelles le souci leger d'apercevoir les oeuvres des hommes
amenait les deesses curieuses, qui ne se laissent pas approcher, la plus
celebre etait le bloc de demi-obscurite connu sous le nom de baignoire
de la princesse de Guermantes.
Comme une grande deesse qui preside de loin aux jeux des divinites
inferieures, la princesse etait restee volontairement un peu au fond sur
un canape lateral, rouge comme un rocher de corail, a cote d'une large
reverberation vitreuse qui etait probablement une glace et faisait
penser a quelque section qu'un rayon aurait pratiquee, perpendiculaire,
obscure et liquide, dans le cristal ebloui des eaux. A la fois plume et
corolle, ainsi que certaines floraisons marines, une grande fleur
blanche, duvetee comme une aile, descendait du front de la princesse le
long d'une de ses joues dont elle suivait l'inflexion avec une souplesse
coquette, amoureuse et vivante, et semblait l'enfermer a demi comme un
oeuf rose dans la douceur d'un nid d'alcyon. Sur la chevelure de la
princesse, et s'abaissant jusqu'a ses sourcils, puis reprise plus bas a
la hauteur de sa gorge, s'etendait une resille faite de ces coquillages
blancs qu'on peche dans certaines mers australes et qui etaient meles a
des perles, mosaique marine a peine sortie des vagues qui par moment se
trouvait plongee dans l'ombre au fond de laquelle, meme alors, une
presence humaine etait revelee par la motilite eclatante des yeux de la
princesse. La beaute qui mettait celle-ci bien au-dessus des autres
filles fabuleuses de la penombre n'etait pas tout entiere materiellement
et inclusivement inscrite dans sa nuque, dans ses epaules, dans ses
bras, dans sa taille. Mais la ligne delicieuse et inachevee de celle-ci
etait l'exact point de depart, l'amorce inevitable de lignes invisibles
en lesquelles l'oeil ne pouvait s'empecher de les prolonger,
merveilleuses, engendrees autour de la femme comme le spectre d'une
figure ideale projetee sur les tenebres.
--C'est la
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