d'epouser Rose. Il faudrait pour cela qu'elle fut folle de moi, et cela
n'est pas. Il faudrait l'exposer a un bruit, a des scandales! Je ne m'y
resoudrais jamais. Quelle rage aurait sa mere! quels etonnements et
quels denigrements de la part de ses voisins et de ses connaissances! Et
que ne dirait-on pas? Qui est-ce qui comprendrait que vous avez impose
cela a M. Bricolin par pure grandeur d'ame et par sainte amitie pour
nous! Vous ne connaissez pas la malice des hommes; et celle des femmes,
si vous saviez ce que c'est! votre bonte pour moi... non, vous ne pouvez
pas vous imaginer, et je n'oserais jamais vous dire comment M. Bricolin
tout le premier serait capable de l'interpreter.... Ou bien encore on
dirait que Rose, pauvre sainte fille! a fait un faux pas, qu'elle vous
l'a confie, et que vous vous etes devouee, pour sauver son honneur,
a doter le coupable.... Enfin, cela ne se peut pas, et voila plus de
raisons qu'il n'en faut, j'espere, pour vous en convaincre. Oh! ce
n'est pas comme cela que je veux obtenir Rose! Il faut, que cela arrive
naturellement, et sans faire crier personne contre elle. Je sais bien
qu'il faut un miracle pour que je devienne riche, ou un malheur pour
qu'elle devienne pauvre. Dieu me viendra en aide si elle m'aime... et
elle m'aimera peut-etre, n'est-ce pas?
--Mais, mon ami, je ne puis travailler a enflammer son coeur pour vous
si vous m'otez les moyens de dominer la cupidite de son pere. Je ne
l'aurais pas entrepris si je n'avais eu cette pensee; car precipiter
cette jeune et charmante fille dans une passion malheureuse serait un
crime de ma part.
--Ah! c'est la verite! dit le Grand-Louis soudainement accable, et je
vois bien que je suis un fou.... Aussi n'etait-ce ni de moi, ni de Rose
que je voulais vous parler en vous priant de venir ici, madame Marcelle;
vous vous etes trompee la-dessus dans votre excellente bonte. Je voulais
vous parler de vous seule, quand vous m'avez prevenu en me parlant de
moi-meme. Je me suis laisse aller comme un grand enfant a vous ecouter,
et puis force m'a ete de vous repondre; mais je reviens a mon but, qui
est de vous forcer a vous occuper de vos affaires. Je sais celles de M.
Bricolin; je sais ses intentions et son ardeur d'acheter vos terres, il
n'en demordra pas, et pour en avoir trois cent mille francs, il faut lui
en demander trois cent cinquante mille. Vous les auriez si vous vous
obstiniez; mais, de toutes facons, il ne faut pas qu'il paie le bien
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